À travers chants, discours et gestes symboliques, la communauté rwandaise de London perpétue une tradition de commémoration empreinte de dignité. Ce rassemblement annuel, marqué par une forte charge émotionnelle, souligne l’importance du souvenir collectif face aux silences de l’histoire et aux blessures invisibles.

Christiane Beaupré, IJL Réseau.Presse – L’Action de London-Sarnia

Trente et un ans après le génocide des Tutsis au Rwanda, la douleur demeure vive. Le samedi 12 avril, la communauté canado-rwandaise (CCR) de London s’est rassemblée à la salle communautaire Goodwill pour commémorer ce drame historique. Le temps d’un après-midi, les survivants, leurs familles et les membres de la communauté ont honoré la mémoire des plus de 800 000 victimes et réaffirmé l’importance de la transmission de cette mémoire aux générations futures.

La majorité des membres de cette communauté, largement francophone, sont eux-mêmes rescapés du génocide de 1994. Leur présence à cette commémoration témoigne de leur résilience, mais aussi du poids toujours présent de cette tragédie. Après les mots de bienvenue de la présidente de la CCR de London, Sibylle Ugirase, des centaines de bougies ont été allumées en silence, en hommage aux vies perdues.

Parmi les invités, il y avait un représentant du Service de police de London, le président d’Ibuka Canada, Léo Kabalisa, et la présidente de la CCR de Hamilton, Kosita M. Musabye. L’émotion a atteint un sommet lors de la lecture trilingue du poème Commémoration perpétuelle, écrit par Sonia Muhimpundu et interprété en français, anglais et kinyarwanda par l’autrice elle-même et deux jeunes filles de la communauté.

Militante engagée dans la francophonie locale, Mme Muhimpundu souligne l’importance de cet exercice de mémoire. « Tous les Rwandais, qu’ils aient été présents ou non pendant le génocide, en portent les cicatrices. Le traumatisme intergénérationnel est réel », affirme-t-elle.

Pour elle, ces cérémonies annuelles permettent de contrer l’oubli, de répondre aux négationnistes et d’ancrer dans la mémoire collective une vérité historique indispensable à toute réconciliation.

Le témoignage de Charles Butera, survivant du génocide et membre du personnel du Collège Boréal à London, est profondément marquant. Père de quatre enfants, il a perdu ses deux parents, sa femme de 27 ans et son fils de 18 mois. En mars 2023, il a publié Témoin à nu, un récit poignant dans lequel il raconte les événements dramatiques qu’il a vécus et observés durant cette période.

« La mémoire, c’est ce qui donne un sens à ma survie, confie-t-il. C’est ma manière d’honorer ceux qui sont partis. Ils vivent à travers moi. » Trente et un ans plus tard, les plaies ne sont toujours pas refermées. « Pour nous, c’est comme si c’était hier. Chaque date d’avril réveille des souvenirs. Mais en vérité, on s’en souvient tous les jours. Nos enfants, qui n’ont jamais connu leurs grands-parents, nous questionnent. Et il faut leur répondre, avec tout le chagrin que cela implique. »

Trois décennies plus tard, Charles Butera n’arrive toujours pas à comprendre comment on peut tuer un enfant de 18 mois. La souffrance et l’incompréhension sont toujours bien présentes en lui et en tous ceux qui ont perdu des êtres chers dans ce massacre. Les Rwandais n’oublieront jamais.

Photo : La salle communautaire était remplie à capacité pour cette cérémonie.