Alexia Grousson

Dans le cadre des États généraux de l’Ontario français, l’Assemblée de la francophonie de l’Ontario (AFO) a organisé, le 17 septembre, un forum communautaire en ligne réunissant les dirigeants d’organismes francophones de la région. Cet événement a permis de discuter des enjeux locaux et régionaux, tout en contribuant à l’élaboration d’un état des lieux pour la francophonie ontarienne.

Neuf leaders communautaires ont participé à la rencontre : Andrée Myette (PGF), Idrine Matenda-Zambi (Csc Providence), Blandine Lesage (AFO), Rosa Atmani (RIFCSO et CFA London), Franck Tshunza (Centre de planification des services de santé en français), Normand Prévost (Centre culturel Jolliet), Richard Imbeault (Connexion Carrière), Katrine Prévost (Centre Franco-Santé Sarnia) et Tanya Tamilio (CCFS).

Les États généraux, lancés en mars 2025 et s’étalant sur deux ans, visent à renforcer la francophonie ontarienne. Ce processus inclut des consultations régionales, des études et deux congrès. Les discussions ont principalement porté sur l’avenir de la francophonie, les défis démographiques et politiques, ainsi que l’accès aux services en français.

En Ontario, la proportion de la population francophone a diminué, passant de 5,5 % en 1991 à 4,6 % en 2021, bien que le nombre absolu de francophones ait augmenté de 18,6 % au cours des 30 dernières années. Cependant, cette croissance démographique reste insuffisante pour contrer la tendance générale de l’Ontario, où la population totale a augmenté à un rythme plus rapide. Selon les projections, la population francophone devra croître cinq fois plus rapidement pour atteindre un objectif de 1,2 million de francophones d’ici 2050, avec une immigration francophone comme levier principal. Rosa Atmani a souligné qu’à Sarnia, « les taux d’immigration sont bien plus faibles que dans le reste de l’Ontario. Dans l’avenir, cela doit changer pour contrecarrer ce déclin démographique. »

Blandine Lesage a rappelé qu’il est crucial de ne pas se concentrer uniquement sur l’immigration. « Il ne faut pas tout miser sur l’immigration et oublier ceux qui sont déjà là. Sinon, nous risquons de retrouver les mêmes problèmes à l’avenir », commente-t-elle.

Franck Tshunza a, pour sa part, évoqué la pénurie de main-d’œuvre bilingue comme un obstacle majeur. Il note « qu’aucune politique concrète n’existe pour y remédier, malgré de bonnes initiatives locales ».

La question de la relève francophone préoccupe plusieurs participants. Normand Prévost a exprimé son inquiétude face au vieillissement de la population de souche francophone à Sarnia. « Si la relève n’est pas là pour reprendre nos places, l’avenir de la francophonie à Sarnia sera incertain », dit-il. Il a souligné que cette dynamique représente un défi de taille pour la pérennité de la communauté.

L’accès aux services en français, en particulier dans les secteurs de la santé et de l’éducation, reste un défi majeur. Richard Imbeault a mis en lumière le manque d’accessibilité aux soins de santé en français, une problématique partagée par de nombreuses régions de l’Ontario. Rosa Atmani a complété son intervention en précisant que « certains services, tels ceux destinés aux femmes ou les établissements d’enseignement supérieur, ne sont pas toujours offerts. Les gens doivent sortir de la ville pour y avoir accès, ce qui implique un travail considérable au niveau local. »

Tanya Tamilio a abordé la question de la visibilité de la francophonie dans les petites régions, soulignant que « trop souvent, la publicité et les actions en faveur de la francophonie se concentrent sur les grandes villes comme Ottawa, Sudbury ou Toronto, laissant de côté des régions comme la nôtre ».

Plusieurs participants ont exprimé des préoccupations concernant le manque de financement et les défis organisationnels. « Le manque de financement empêche d’offrir tout ce que nous souhaiterions. Nous pourrions pallier plusieurs enjeux si nous avions plus d’argent », souligne Mme Atmani.

De plus, certains ont insisté sur le besoin d’attirer les nouveaux arrivants francophones vers la francophonie. Blandine Lesage a noté que « parler français devrait permettre aux nouveaux arrivants de se sentir impliqués dans la francophonie, mais ce n’est pas toujours le cas. »

Le forum a été une étape importante permettant de renforcer la collaboration entre les acteurs locaux et de préparer le terrain pour les prochaines actions stratégiques. Comme l’a précisé Andrée Myette, « l’AFO pense local pour agir global ». Au prochain congrès de l’organisme, du 23 au 25 octobre, les dirigeants dresseront un portrait de la situation et orienteront les futures initiatives provinciales et régionales.

Photo : Rosa Atmani (Crédit : RIFCSO)