Le 28 juillet dernier, la Troupe culturelle Izuba présentait un spectacle multidisciplinaire au Grand Theatre. Invités par le Centre communautaire régional de London, c’est devant une salle comble que les 15 comédiens, chanteurs, danseurs, poètes et slameurs ont décortiqué l’histoire contemporaine du Rwanda.
Intitulé Voix et rythmes du Rwanda pour la mémoire et pour l’espoir, ce spectacle conçu et réalisé par l’auteur Jean-Marie Vianney Rurangwa analyse le génocide perpétré contre les Tutsis en 1994, ses origines et ses conséquences. Bien qu’une place y soit faite pour un témoignage et des explications livrées par le discours, c’est d’abord et avant tout par le biais des arts que le public a été invité à se familiariser avec cette époque trouble.
La soirée a commencé par des poèmes rythmés par la musique d’un tam-tam avec pour thème dominant celui de la résilience, une approche et un sujet qui reviendront de temps à autres au cours du spectacle. M. Rurangwa a ensuite narré les prémices des persécutions peu avant et après l’indépendance du pays, et la prise de conscience de la question des origines, jusque-là inédite au Rwanda. Il faut dire que les autorités coloniales belges avaient instrumentalisé les minces différences qui existaient jusque-là entre Hutus et Tutsis, faisant de ces derniers, qui constituent 15 à 20 % de la population, une caste dominante aux origines supposément éthiopiennes. Le 6 avril 1994, l’assassinat du président rwandais servira de prétexte pour assouvir le ressentiment entretenu par les extrémistes Hutus envers ces « étrangers ».
Diverses combinaisons de musique et de poésie se sont succédé au cours du spectacle, manifestant la hantise des réfugiés poursuivis par leurs souvenirs mais aussi leur volonté de reprendre leur vie en main et de ne pas se laisser abattre. Ces prestations étaient entrecoupées par des saynètes dont la première mettait en scène un dialogue entre deux Hutus, l’un modéré l’autre extrémiste. Ce dernier, incarnation du milicien fanatisé, exprimait la logique du génocidaire, illustrant le processus qui mène aux fixations meurtrières.
Un survivant des massacres a ensuite pris la parole. Philibert Muzima a raconté comment, en trois jours fatidiques, il a perdu presque toute sa famille. Lui-même attaqué, ce n’est que de justesse qu’il a échappé à la mort.
Un aspect peu abordé des conséquences du génocide rwandais, celui des victimes qui ont de la rancune vis-à-vis les agresseurs, a ensuite été mis en scène. Les personnages incarnés par trois comédiens ont levé le voile sur certains points de vue. Il y a, en effet, des Rwandais qui sont aigris et désabusés à l’endroit de leur pays d’origine qu’ils préfèrent oublier. Avec sensibilité, la saynète a exprimé cette réalité souvent mise de côté.
C’est cependant sur une note plus positive que le spectacle s’est conclu. Comme M. Rurangwa l’a expliqué, cette performance artistique avait pour raison d’être de démontrer que le Rwanda est bien vivant. Et c’est dans ce même esprit que la soirée s’est terminée avec de nombreux spectateurs qui se sont spontanément joints aux artistes sur scène pour danser.
PHOTO: Au son du tam-tam, de la poésie était déclamée.