Le 24 janvier dernier, le Musée de London inaugurait en grande pompe un ensemble d’expositions se caractérisant par leur évocation des paysages canadiens. Quatre collections thématiques furent présentées au public, invité à une réception où il pouvait rencontrer le personnel du musée et échanger entre esthètes.
Parmi ces quatre ensembles d’oeuvres d’art, celui qui a été le plus mis de l’avant par le musée pour sa promotion portait sur l’art inuit contemporain. Intitulée Inuit Ullumi : Inuit Today, l’exposition, bien qu’intéressante, souffre quelque peu du nombre modeste de pièces qui sont présentées.
L’art inuit est un classique de l’imagerie canadienne, tant ici qu’à l’étranger. Ces célèbres sculptures de pierre polie au style facilement reconnaissable sont connues pour leur représentation des traditions du peuple Inuit, de la faune qui l’entoure et des mythes et légendes dont sa culture est riche. Mais au-delà du folklore, les Inuits, comme à peu près tous les citoyens canadiens, vivent aussi avec leur époque. De cette rencontre drastique entre le passé et le présent est né l’art inuit contemporain, dont les visiteurs peuvent avoir un aperçu au Musée de London. Son aspect général demeure inchangé et rappelle les traits caractéristiques de l’art premier (ou « art primitif »). Mais à notre époque, ces statuettes représenteront par exemple un danseur de hip-hop ou des joueurs de curling. Autre découverte inattendue : la peinture et le dessin, aujourd’hui explorés par les artistes inuits. Les quelques oeuvres de ce type qui sont présentées sont très variées dans leurs styles et leurs sujets et, fait à noter, ne semblent pas s’inspirer directement des grands mouvements figuratifs ou abstraits conçus par les Occidentaux.
Une autre exposition, Dreamland: Textiles and the Canadian Landscapes, permet de se plonger dans les particularités nationales d’un art plutôt méconnu. Le tissage n’est en effet pas aussi en vue que la peinture, la sculpture et les autres moyens plastiques d’expression. Cependant, de par son universalité et sa pérennité, il rejoint tous les peuples, indépendamment du lieu et de l’époque. C’est ce que l’exposition place en contexte canadien. Des pièces amérindiennes, canadiennes-françaises et canadiennes-anglaises, datant du XIXe siècle à nos jours, offrent tantôt un bref aperçu d’une culture, tantôt un coup d’oeil sur l’imaginaire d’un individu, mais toujours une facette du pays. Le visiteur pourra voir des pièces contemporaines abstraites, souvent assez indéchiffrables, mais aussi quelques antiquités, tel ce tapis Haïda de 1880 au sujet mythologique, ou encore ces tapisseries des années 1920-1930, créations de Georges-Édouard Tremblay, dépeignant des scènes de la vie rurale au Québec. Des objets usuels ayant acquis leurs lettres de noblesse avec les années aux oeuvres d’art créées comme telles, le textile comme moyen d’expression rejoint toutes les classes sociales. Pour le visiteur du Musée de London, c’est un support artistique rarement exploité dont il pourra constater la richesse.
Point besoin cependant de voyager dans le temps et l’espace pour dénicher des oeuvres ou des thématiques rappelant le thème de l’exposition. Interpolating Landscape rassemble plusieurs toiles de Jeff Willmore, un artiste ayant passé toute sa vie d’adulte à Sarnia et à London. Sa démarche, à cheval sur la simple représentation et sur l’emploi de la fiction, consiste à amalgamer en une même oeuvre quelques scènes dont il aura fait le croquis en différents endroits. Les individus anonymes qui sont ainsi transposés dans l’oeuvre deviennent à leur tour un élément du paysage, parfois le seul, dépendamment du point de vue de l’artiste. Le style de Jeff Willmore, nerveux et non conventionnel sans pourtant tenir de l’abstrait, laisse le spectateur sur une incertitude devant ces paysages réalistes qui laissent une impression de déjà-vu mais qui flottent dans l’intemporalité. Mentionnons que Jeff Willmore, qui évolue sur la scène artistique de London depuis la fin des années 1970, était présent au musée lors de la réception pour s’adresser au public, remerciant au passage ceux avec qui il a eu le plaisir de travailler pour mettre sur pied l’exposition.
Finalement, une autre galerie rassemble des pièces de la collection du musée pour Canadian Vistas, vaste panorama d’hier à aujourd’hui. Quelque peu hétéroclite, l’exposition permet néanmoins de saisir en quelques minutes les différents styles et approches que les artistes ont employés sur le thème du paysage.
Les quatre expositions se terminent à des dates différentes en avril et mai de cette année, la première qui sera démontée, le 6 avril prochain, étant celle portant sur les oeuvres textiles. Le prix d’entrée au Musée de London est laissé à la générosité des visiteurs.