À London, le Carrefour des femmes s’est imposé comme un acteur incontournable de la vie sociale francophone. Cela ne s’est pas fait en un jour et l’organisme qui aujourd’hui dessert le Sud-Ouest ontarien a commencé modestement et au prix de bien des efforts. Portrait et perspectives d’avenir d’un service indispensable.
Le regroupement Action ontarienne contre la violence faite aux femmes (AOcVF), s’inscrivant dans la foulée des revendications qui ont animé le discours politique et sociale des francophones depuis les années 1980, avait produit dès les années 1990 des études sur le manque de services destinés aux femmes. L’AOcVF devait être un des instigateurs de ce qui deviendrait plus tard le Carrefour des femmes. Entretemps, en 2004, les états généraux sur la situation des femmes de langue française dressaient le constat qu’il était nécessaire d’établir des services continus, viables et disposant d’un financement approprié à ces fins.
L’ACFO London-Sarnia fut alors contactée par l’AOcVF qui lui a proposé de collaborer au lancement d’un centre pour les femmes. Précédemment, le ministère du Procureur général de l’Ontario s’était fait retourner une subvention par un organisme anglophone de Chatham qui s’avouait incapable de consacrer cet argent aux francophones. Ces fonds disponibles tombaient à point nommé pour ce projet qui, cette fois, devait être conçu et piloté par des francophones. C’est alors qu’entre en scène Émilie Crakondji, arrivée à London en juillet 2004. Elle s’initie à cette idée d’un centre offrant des services aux femmes par le biais du comité de recommandations dont elle fait partie. Le projet fait son chemin et bientôt elle est embauchée comme agente de développement communautaire à titre temporaire, le temps de mettre sur pied un centre qui soit opérationnel. Le Carrefour des femmes du Sud-Ouest de l’Ontario voit donc le jour en 2006.
La même année, le conseil d’administration et l’AOcVF l’embauchent au poste de directrice générale qu’elle occupe encore aujourd’hui. La suite des choses est largement connue des francophones de la région. L’organisme s’est imposé comme référence et modèle de services adaptés au Sud-Ouest et aux femmes francophones. De nombreux partenariats, plusieurs projets menés simultanément et une expansion continue ont caractérisé les neuf dernières années. En 2011, le Carrefour des femmes était désigné en vertu de la Loi sur les services en français.
En quoi consistent les services de l’organisme? Il y a une procédure, une approche à suivre dans l’accompagnement de femmes qui demandent de l’aide. Lorsqu’elles sollicitent le soutien du Carrefour des femmes, on leur demande d’abord s’il s’agit d’une urgence. Lorsque c’est le cas et qu’elles ne disposent pas d’un moyen de transport, le Carrefour des femmes s’engage à le payer. Lors de la rencontre avec l’intervenante, une évaluation de ses besoins sera faite. Si le Carrefour des femmes n’est pas en mesure de dispenser le service, l’intervenante contactera une agence capable d’aider la cliente et aidera celle-ci dans ses premières démarches. L’organisme existe pour tout un éventail de situations qui ne se limitent pas aux problèmes conjugaux ou de violence. Qu’il s’agisse de pauvreté, d’accès à l’éducation, de gestion des émotions, etc., le Carrefour des femmes prend en main une grande diversité de cas.
« Notre travail est complémentaire à celui des psychologues et des psychiatres », estime Émilie Crakondji. Plusieurs clientes sont déjà suivies par un travailleur social ou un professionnel de la santé. Mais le retour à une vie normale ne se fait pas uniquement à coup de pilules : « Ça leur prend un autre aspect de la vie et c’est là qu’elles viennent nous voir », ajoute la directrice générale.
L’organisme ne s’adresse pas uniquement à celles dans le besoin. Les rencontres régulières permettent à plusieurs femmes de la communauté de socialiser. Le Carrefour des femmes s’investit également beaucoup dans la prévention et l’éducation populaire.
En mai prochain, le conseil d’administration élaborera un plan stratégique mais déjà, Mme Crakondji entrevoit certains objectifs à plus ou moins long terme tels que la consolidation de l’équipe, une meilleure présence de l’organisme à l’échelle régionale et l’élaboration d’un plan ambitieux de promotion et de sensibilisation. Elle espère qu’un jour le Carrefour des femmes puisse devenir un organisme de type « guichet unique » afin de rendre les francophones réellement autonomes dans ce domaine.
Photo: Émilie Crakondji