Liam Casey
Personne n’a été condamné jusqu’ici en Ontario à une amende en vertu de la nouvelle loi qui peut obliger les patients à payer 400 $ par jour s’ils refusent de passer d’un hôpital à un foyer de soins de longue durée qu’ils n’ont pas choisi, assurent le gouvernement et les hôpitaux. Mais les familles et les défenseurs des droits des aînés soutiennent que la menace posée par la loi pousse les patients vers des foyers de soins qu’ils n’auraient pas autrement choisis.
La loi, entrée en vigueur en septembre dernier, permet de transférer les patients qui ont eu leur congé de l’hôpital dans un foyer qu’ils n’ont pas choisi. Les patients du sud de l’Ontario peuvent être déplacés jusqu’à 70 km, mais ce rayon peut aller jusqu’à 150 km dans le nord de la province.
La loi vise les patients dits « de niveau de soins alternatifs », qui n’ont plus besoin d’être hospitalisés et attendent des places en foyers de soins. Le gouvernement a déclaré que la loi pourrait libérer de précieux lits dans les hôpitaux. Les hôpitaux admettent de leur côté qu’ils ont été réticents à appliquer la loi, mais les coordonnateurs de placement en parlent dans leurs conversations avec les patients.
« La communauté hospitalière est très mal à l’aise avec ce genre de position contradictoire, a déclaré Anthony Dale, chef de la direction à l’Association des hôpitaux de l’Ontario. Les conversations avec les patients et les familles les aident à comprendre le type d’options qui s’offrent à eux et à comprendre comment ils peuvent aider un autre patient qui a également besoin d’accéder à des soins hospitaliersé. »
En septembre dernier, il y avait 2135 patients de « niveau de soins alternatif » dans les hôpitaux en attente de places en soins de longue durée, a indiqué l’association. Il y en a maintenant 1830, selon les données du ministère.
Le gouvernement affirme que depuis l’entrée en vigueur de la loi, 7600 patients bénéficiant d’un autre niveau de soins ont emménagé dans des foyers de soins infirmiers. Par ailleurs, 66 patients ont été transférés dans des maisons de retraite qu’ils n’avaient pas choisies, a déclaré le ministre des Soins de longue durée dans une lettre envoyée plus tôt ce mois-ci en réponse à une question du Nouveau Parti démocratique.
La loi a également été promulguée lorsque le gouvernement a autorisé les foyers de soins à ouvrir des lits vides réservés pour isoler les personnes atteintes de la COVID-19, ce qui rend son impact difficile à évaluer. Cette décision a libéré quelque 2100 lits, a déclaré le gouvernement, plus que les 1300 qu’il prévoyait d’ouvrir.
Situation stressante
Certaines familles disent que la loi leur a causé beaucoup de stress.
La mère de Sheri Levergood, âgée de 82 ans, qui souffre de démence vasculaire, a été hospitalisée après une série de chutes dans sa maison de retraite en novembre dernier et est devenue une patiente d’un autre niveau de soins après un séjour d’un mois à l’hôpital.
Janet Levergood a été autorisée à quitter l’hôpital tant qu’elle recevait suffisamment de soins, mais le niveau de soins requis était important en raison de ses besoins et de sa propension à faire des chutes.
L’hôpital voulait qu’elle aille dans un foyer de soins de longue durée, mais les premiers choix de Mme Levergood n’avaient pas de chambre disponible. L’hôpital a ensuite choisi deux places dans des « unités de soins de transition », a déclaré sa fille.
Mme Levergood n’aimait pas ces options. C’est là que la coordonnatrice des placements de l’hôpital lui a parlé de l’amende de 400 $ par jour. « J’avais l’impression de n’avoir aucune option, a déclaré Sheri Levergood. En fait, j’ai sombré dans une très mauvaise dépression et j’ai fait des crises de panique. »
Puis, comme un miracle, une place s’est ouverte dans l’un des foyers souhaités par Mme Levergood.
Les hôpitaux ont été autorisés à commencer à infliger des amendes de 400 $ par jour en novembre, mais le ministre des Soins de longue durée, Paul Calandra, a déclaré qu’il n’était pas surpris qu’aucune n’ait été infligée jusqu’à présent, à sa connaissance.
« Je n’ai jamais pensé qu’il y aurait des amendes massives, a-t-il dit. Mais ça doit faire partie du système. »
Des défenseurs des droits des aînés estiment toutefois que la menace d’une amende signifie que les patients pourraient consentir à des transferts avec lesquels ils ne sont pas vraiment d’accord.
Source : La Presse canadienne