Bas-Canada, Province of Quebec, Chambre d’Assemblée, Conseil législatif, Constitutionnal Association de Montréal et de Québec…, il est facile d’en perdre son latin pour qui cherche à faire revivre l’histoire politique québécoise des années 1832-1837. Anne-Marie Sicotte tire son épingle du jeu dans Le charivari de la liberté, roman historique et premier tome de la série intitulée Les tuques bleues.
Le « charivari » du titre a plus d’un sens. Il réfère d’abord à cette coutume bruyante de souligner les unions dépareillées. C’est aussi une remontrance collective qui sert à dénoncer un homme qui maltraite son épouse ou sa fille. Le charivari ou tintamarre accompagne parfois la plantation du mai ou un triomphe électoral. Accolé au mot liberté, le charivari devient un tapage en revanche à l’intimidation dont se gavent les ennemis du peuple canadien.
L’histoire que raconte Anne-Marie Sicotte commence en 1833, donc quelques années avant les Rébellions de 1837 et 1838. Nous sommes dans la Province of Quebec et « les avides Britons tentent de mettre à genoux les représentants du peuple » qu’ils jugent trop turbulents et trop violents. Les autorités du Bas-Canada peinent visiblement à rendre viable le gouvernement de Sa Majesté.
Il y a plusieurs personnages et personnalités qui évoluent dans ce roman, tellement que l’auteure en a dressé une liste. Elle s’intéresse surtout à Vitaline Dudevoir, une jeune femme dégourdie qui n’a pas froid aux yeux, et à son frère Gilbert, instituteur à Montréal où il se trouve aux premières loges des émeutes et des échauffourées qui se multiplient.
Le roman regorge de verbes qui m’ont semblé peu courants, comme tournebouler, se caparaçonner, décaniller, brouscailler, discutailler et contagionner. Il y a aussi des expressions comme « tempérament moinillon…, débagager son barda…, pendant leurs accordailles…, l’air égarouillé…, se faire traiter en gueusaille… » Le mot « équarriture » m’a semblé aussi assez rare; l’auteure l’utilise non pas pour décrie l’envergure physique d’un homme mais pour évoquer sa position sociale.
Anne-Marie Sicotte aime les dialogues colorés, comme cette réplique : « Celui-là, si on l’avait pas, faudrait que les commères s’y mettent pour le tricoter! » Le style demeure souvent finement ciselé; c’est le cas lorsque l’auteure décrit la relation plutôt froide entre Vitaline et son père : « L’affection de l’auteur de ses jours est un ruisselet qui change de cours dès qu’il croise le moindre obstacle… »
Par sa trame romanesque sur fond historique, Le charivari de la liberté décrit minutieusement la lutte menée par les citoyens et citoyennes de la Province of Quebec contre le despotisme et l’arbitraire du Régine anglais.
Anne-Marie Sicotte, Le charivari de la liberté, roman historique, premier tome de la série intitulée Les tuques bleues, Montréal, Éditions Fides, 2014, 736 pages, 29,95 $.