Les parents froncent les sourcils. Le dimanche 4 septembre, en déposant leur oiselet à sa résidence universitaire, ils se font accueillir par des créatures aux cheveux en bataille ou portant des lunettes de soleil cachant leur identité. Encerclant la voiture dès qu’elle se gare devant la résidence, ces « soph », étudiants eux aussi, l’en déchargent, puis mènent ces nouveaux « Mustang » vers leur dortoir. Ainsi se passe l’éveil du campus de l’Université Western pour l’année scolaire.

Voir les « soph » ainsi habillés et agir de la sorte fait planer le doute : des étudiants à l’une des universités les plus prestigieuses du Canada? Mais force est de constater que ces « soph » font partie intégrante de l’expérience universitaire.

À demander aux étudiants de Western ce qu’ils ont apprécié le plus en première année, on constate que les « soph » figurent souvent en tête de liste. Et pour cause : les « soph » sont le pont entre la vie que les étudiants de première année ont connu jusqu’alors et le Nouveau Monde de l’université. 
Qu’est-ce un « soph »? L’enthousiasme électrisé. L’enthousiasme passionné. L’enthousiasme qui se transmet à ces poussins bien souvent réticents. Aussi réalisent-ils l’intégration des nouveaux « Mustang ». Ceux-ci naviguent en terre inconnue en ce qui concerne la résidence et les attentes académiques universitaires.

Il existe deux types de « soph »
Celui qui se charge des résidences et celui qui aide les étudiants à intégrer leur département d’études. Côté résidence, les « soph » y vivent parmi les étudiants de première année. L’Université Western compte huit résidences pour ces derniers. Côté département, les « soph » aident les étudiants à intégrer leur département d’étude, ce qui comprend par exemple les sciences, les sciences sociales et les arts. Ces « soph » peuvent vivre où ils veulent.  

Dans un salon de l’université, Peri B., étudiante de 3e année en criminologie, paresse en attendant la prochaine activité de la « O-Week », semaine consacrée à l’accueil des étudiants de première année par le biais de concerts et de rassemblements. À son apparente détente se mêlent soupçon et réserve; de tous ces collègues, elle seule n’a pas ôté ses lunettes de soleil, et ce, pour pleinement protéger son identité, laquelle les « soph » dissimulent avec zèle d’ailleurs, allant jusqu’à supprimer leur compte Facebook. Et pourtant, elle m’a accordé un entretien.

Interrogée sur ce qu’elle a aimé le plus dans son rôle de « soph », elle raconte la reconnaissance des étudiants de première année : ils te font confiance. En outre, pour elle, le moment le plus puissant a été le rassemblement des étudiants de première année sur la colline de Western. « J’ai senti comme un frisson me traverser le dos. L’énergie du collectif m’a électrisée », raconte-t-elle.

« Il y a tous ces gens qui sont responsables de nous »
Elle se remémore ensuite le moment le plus désopilant : « Je ne sais pas si vous trouverez ça drôle, mais je me suis coupée en montant les réfrigérateurs des « frosh » dans le dortoir ». Avec un petit sourire en coin, elle montre la cicatrice sur son doigt : « J’ai dû arrêter. »  
Millicent Castillo, quelque peu réservée au début, comme bon nombre d’étudiants de première année, s’enthousiasme peu à peu en parlant de ses « soph ». Selon Millicent, ce qui frappe, c’est qu’elle n’en a pas peur; les étudiants plus âgés sont souvent intimidants. Elle qualifie même de mignons les costumes et les gestes des « soph ». Elle se sent rassurée. « Je me sens comme j’étais à nouveau en 9e année. Il y a tous ces gens qui sont responsables de nous. Mais cela ne me gêne pas. Cela montre qu’ils se font vraiment du souci pour nous. »

Depuis le UCC, bâtiment principal de l’université, on peut voir déambuler sur le terrain des centaines d’étudiants. On est loin du silence qui régnait sur le campus au cours de l’été. Les cours ont recommencé jeudi. Se joindront alors aux nouveaux arrivants les vétérans. Puis, nouvel étudiant devient vétéran, et le cycle se poursuit. La colline verdoyante de Western, sur laquelle trône une tour majestueuse, s’assombrit au soleil déclinant. Une journée se termine, une autre journée se lèvera.

William Tran