En août 1964, Jean Vanier, ancien officier de Marine et docteur en philosophie, invite deux personnes handicapées mentales à partager avec lui une petite maison à Trosly, dans l’est de la France. Avec Philippe Seux et Raphaël Simi, il forme ainsi la première communauté de L’Arche. Aujourd’hui, au seuil de son cinquantenaire, l’organisme est présent dans près de 40 pays répartis sur les 5 continents et compte 145 communautés.

Une telle croissance peut certes s’expliquer par les besoins à pourvoir : les personnes vivant avec une déficience mentale doivent souvent composer avec l’isolement social, la dévalorisation de leurs aptitudes et une perte de sens à donner à leur vie. Cependant, si L’Arche a rencontré un tel succès, c’est aussi parce qu’elle interpelait nombre de gens qui brûlaient du désir de se donner pour les autres. L’expérience autant humaine que spirituelle qu’a connue Jean Vanier il y a 50 ans se poursuit pour tous ceux qui, ici comme ailleurs, ont décidé depuis de se joindre à son aventure.

La ville de London ne fait pas bande à part car là se trouve aussi une communauté de L’Arche vibrante et en croissance. Une centaine de personnes, handicapées ou non, y résident ou y évoluent. Disposant déjà de trois résidences pour accommoder tous ces gens et leurs activités, l’antenne locale de l’organisme souhaiterait néanmoins aller encore plus loin dans sa volonté de répondre aux besoins et de faire corps avec la société. Ainsi, le 28 février dernier, un souper-bénéfice rassemblant plus de 400 convives permettait à L’Arche de London de souligner le 50e anniversaire de fondation et d’amasser des fonds pour l’aménagement d’un nouvel édifice. Nommé « The Gathering Place », ce bâtiment consistera principalement en une salle communautaire destinée à accueillir la tenue des activités régulières de l’organisme et aussi nombre d’évènements spéciaux. En ce lieu, les membres de L’Arche pourront contribuer à leur manière à la société, en particulier par l’entremise des arts.

« Jean Vanier a été un des premiers à déclarer que les personnes avec un handicap mental sont un don, pas un poids », rappelle Toinette Parisio, directrice générale de L’Arche de London. Les 40 dernières années de la vie de Mme Parisio sont intimement liées à L’Arche. C’est d’abord en France, son pays natal, qu’elle s’est conscientisée au vécu des personnes ayant une déficience intellectuelle. Enseignante, elle accueille un jour parmi ses jeunes élèves un trisomique. À l’époque, dans le milieu éducationnel, l’approche privilégiée était celle de l’inclusion, mais Mme Parisio réalisa que sa formation l’avait peu préparée à ce genre de situation. Elle en était aussi à un moment de sa vie où elle commençait à se questionner sur la façon dont elle pourrait se dévouer pour autrui et comment vivre pleinement l’Évangile.

« C’est à ce moment, en 1974, que j’ai rencontré Jean Vanier », explique-t-elle. Elle trouva le fondateur de L’Arche aussi pratique dans son approche que profond dans sa pensée. « Ce qui m’impressionnait, c’est qu’il marchait avec authenticité. Sa vie avait un écho vrai et ça m’a intéressée », poursuit-elle. Suite à cette rencontre, Toinette Parisio, déjà interpelée par les gens vivant en marge de la société, procède à une réflexion qui l’amène à la conclusion que L’Arche représentait pour elle la meilleure façon d’atteindre un idéal de chrétienté et d’altruisme. Dès lors, elle commence à s’impliquer pour L’Arche, un engagement qui se poursuivra après qu’elle eut immigré au Canada à la fin des années 1980.

Il n’y avait pas alors de communauté de L’Arche à London. C’est donc au sein de celle de Stratford que Mme Parisio a d’abord donné de son temps et de ses énergies. Elle relate qu’un jour, au tournant des années 1990, une dame de London, mère d’une personne handicapée, contacte L’Arche de Stratford. À son initiative, un groupe de gens intéressés par l’œuvre de Jean Vanier commence à se rencontrer régulièrement. Ces participants domiciliés à London y constitueront le noyau de L’Arche locale, fondée en 1997. De cette époque se poursuivent certaines activités, devenues des traditions, en particulier le souper-partage mensuel. Mais surtout, c’est l’état d’esprit qui perdure, marqué au sceau de la générosité et de la compassion, ainsi que le désir de célébrer ensemble dans la joie de vivre et l’espérance.

Au Canada comme ailleurs dans le monde, ils sont des centaines à faire comme Toinette Parisio et à marcher dans les pas de Jean Vanier. À London, après 17 ans d’existence, la communauté locale continue d’avoir les yeux fixés vers l’avenir et entend poursuivre sa mission de solidarité et d’inclusion.