Alice sur Wonderland : le titre est une évidente référence au célèbre conte de Lewis Carroll. Mais au-delà de ce jeu de mots, que recèle cette pièce de théâtre présentée à l’auditorium Wolfe, à London, le 11 juin dernier? De la féérie? De l’humour? De la tragédie? Un peu de tout cela et bien plus.
Car cette oeuvre conçue par des élèves de l’école secondaire Monseigneur-Bruyère (ESMB) se voulait une version contemporaine et adulte d’une histoire autrement connue pour sa fantasmagorie enfantine. Bien que le récit fasse la part belle à la comédie et aux personnages outrancièrement excentriques, Alice sur Wonderland se veut surtout un portrait sans fioriture de l’adolescence, des marginaux et de la vie en société dans ce qu’elle a de plus impitoyable.
Wonderland est le nom d’une longue artère qui traverse London du nord au sud et les auteurs de la pièce en ont fait le décor de leur histoire. Le personnage principal, Alice (Emma O’Gorman), est serveuse et femme à tout faire dans un restaurant glauque sur cette rue. Elle rêve de s’extirper de cette vie sans issue, de mener une existence plus inspirante et de devenir comédienne. Un jour, elle s’assomme au travail et se retrouve ensuite dans un monde fantastique. Or, celui-ci n’est pas cet univers ensoleillé et débordant de couleurs tel qu’est souvent dépeint le Pays des merveilles mais s’apparente plutôt à une jungle urbaine où la faune locale n’est pas forcément des plus rassurantes. Comme dans le conte de Lewis Carroll, une reine règne par la terreur sur sa poignée de sujets. Cependant, dans la version des élèves de l’ESMB, ce régime despotique est incarné par une sorte de « drag queen » sadique (Kaine Faubert) dont les deux sbires, Trèfle (Miriame Alshibli) et Carreau (Clare Scriven), sont des adolescentes en fugue.
Au cours de son périple, Alice fera la connaissance de plusieurs personnages décalés : le Chapelier fou (Tyler Latino), les jumeaux Tweedle Dee et Tweedle Dum s’incarnant dans une femme à double personnalité (Jacqueline Manley), le Chat de Cheshire sous les traits d’une vagabonde aussi relaxe que philosophe (Orline Kamwemwe), un Lapin blanc verbomoteur (Amanda Buchenauer) et une Duchesse ayant un faible pour la plaisanterie (Marie Leunissen). Tous sont des parodies, des représentations du patron, des clients et des employés du restaurant où travaille Alice. Tous sont également des acteurs d’un jeu de pouvoir qui, dans la pièce, est une représentation de certaines réalités sociales. Alice se réveille finalement au café et, de la même manière que les personnages excentriques de son rêve se sont libérés de la tyrannie de la « reine », son entourage décidera de s’émanciper de l’atmosphère étouffante de ce restaurant où leur vie est misérable. Morale de l’histoire : il n’y a pas de destin, rien n’est condamné au statu quo et nos pensées, nos idées peuvent déterminer notre futur.
Pour conférer une indispensable touche surréaliste à la pièce, divers effets de son et d’éclairage, contrôlés par Thomas Keech et Alex Lachance, avaient été mis à profit. Le décor, les costumes et, plus étonnant encore, le scénario, soigneusement réfléchi et empreint de poésie, étaient également l’œuvre des élèves. Kitara Patry et Sarah Desmarais étaient quant à elles responsables du maquillage, un aspect non négligeable du spectacle. Quelques chansons, dont la musique et les paroles avaient été écrites respectivement par Amanda Deneau et Christian Prémont, deux enseignants à l’ESMB, ont été interprétées sur scène par les comédiens. L’école conservera un souvenir mémorable de cette pièce puisqu’elle a été filmée par Guillermo Guicciardi et Braeden Morise.
Alice sur Wonderland est la deuxième œuvre que les élèves de l’ESMB présente à l’auditorium Wolfe. Cette salle offre un contexte plus professionnel qu’un simple gymnase d’école et, en cela, elle sied particulièrement bien aux talents de ces jeunes comédiens inspirés.
Photo: Les personnages s’apprêtent à jouer à une partie de croquet aux conséquences potentiellement funestes…