Au 442, rue Adelaide Nord, à London, se trouve une résidence en apparence assez banale. Mais deux monuments à son côté laissent comprendre qu’il s’agit d’un lieu ayant une histoire unique. La statue d’un homme en sarrau griffonnant quelques notes dans un carnet représente Sir Frederick Grant Banting. À quelques pas brûle, sans interruption depuis 1989, la « flamme de l’espoir », qui ne sera éteinte que lorsqu’aura été découvert un traitement pour guérir le diabète, un mal que Banting aura puissamment contribué à neutraliser grâce à sa découverte : l’insuline.
Né le 14 novembre 1891 à Alliston, au nord de Toronto, Frederick Banting complète ses études en médecine alors que la Première Guerre mondiale fait rage. Il était élève-officier depuis 1912, de sorte que, au moment où éclata le conflit, c’est tout naturellement qu’il se porta volontaire pour soigner les soldats au front. Le docteur Banting, très apprécié de son entourage et plusieurs fois décoré, termina la guerre avec le grade de capitaine et retourna à la vie civile en septembre 1919.
En juillet de l’année suivante, il ouvre un cabinet de médecine générale à London et prend un poste à temps partiel comme démonstrateur en physiologie à l’Université Western. La maison qu’il habite alors, sur Adelaide Nord, est celle où se trouve le musée, ouvert en 1984, qui retrace sa vie et son œuvre. C’est dans cette résidence, aujourd’hui désigné patrimoine historique par le gouvernement fédéral, qu’au petit jour du 31 octobre 1920, Banting conçu l’idée que le diabète pouvait être traité grâce à une substance extraite du pancréas atrophié d’un chien. Il préparait alors une conférence qu’il devait donner à l’université et, de lecture en lecture, il releva par hasard certains faits qui lui mirent la puce à l’oreille. Dès lors et jusqu’en 1922, lui et une équipe de chercheurs effectuèrent à Toronto, où s’offraient de meilleures possibilités de recherche, nombre d’expérimentations pour en arriver à isoler et raffiner l’insuline.
L’histoire a retenu le nom du premier malade à qui l’intuition de Banting sauva la vie : Leonard Thompson, un adolescent de 14 ans qui se préparait à la mort dans un hôpital de Toronto jusqu’à ce qu’une injection d’insuline, le 11 janvier 1922, vint amorcer son rétablissement. Le diabète était jusque-là une maladie fatale, fauchant chaque année des millions d’existences. En 1923, pour souligner cet apport considérable au bien-être de l’humanité, le prix Nobel de médecine était remis à Frederick Banting et à son plus proche associé, John James Rickard Macleod.
Durant l’entre-deux-guerres, Banting cumulera les honneurs et les positions. Il a été le premier canadien nommé professeur de recherche médicale à l’Université de Toronto, fait chevalier (sir) en 1934, nommé membre de la Société royale de Londres et membre de la Société royale du Canada, etc. On mesure mal, aujourd’hui, la popularité qui entourait Banting de son vivant. Les sondages d’opinion le plaçaient toujours au sommet des Canadiens les plus célébrés par ses compatriotes. Mais ce fut aussi une période marquée par des épisodes de profond découragement pour Banting. Sa vie privée fut minée par plusieurs échecs amoureux et par le stress engendré par le sentiment de ne pas être capable de découvrir autre chose de significatif pour répondre aux attentes à cet égard. Pour échapper à sa mélancolie, il se réfugia souvent dans la peinture et le musée conserve plusieurs de ses toiles.
En septembre 1939 débute la Seconde Guerre mondiale. Banting s’intéressait depuis un moment déjà aux problèmes liés aux armes chimiques et bactériologiques et était responsable des premiers efforts de recherche du Canada dans ces domaines. Devenu officier en chef de liaison entre le Canada et les chercheurs britanniques, il s’embarque, le 21 février 1941 à Gander à Terre-Neuve, à bord d’un bombardier qui doit se rendre en Grande-Bretagne. La météo est mauvaise et l’avion éprouve soudain des problèmes de moteur. L’appareil fait demi-tour pour retourner à l’aéroport mais s’écrase plutôt dans un boisé. Frederick Grant Banting, 49 ans, perd la vie.
Le musée raconte l’histoire de sa vie et de ses recherches et évoque le souvenir durable qu’a laissé cet homme de contrastes dans l’imaginaire collectif. On y trouve aussi une bonne description de ce qu’est le diabète est des efforts, d’hier à aujourd’hui, qui ont été faits pour l’enrayer. Puisqu’il s’agit d’un site fédéral, l’exposition est largement bilingue. La Maison Banting est ouverte du mardi au samedi de midi à 16 h et il en coûte 5 $ par adulte pour la visiter.
Photo: Le cabinet d’étude du célèbre médecin