L’économie. Un grand mot qui pour plusieurs évoque des colonnes de chiffres à n’en plus finir, des myriades de transactions boursières, des graphiques à la signification obscure… Bref, bon nombre de gens se sentent impuissants et dépossédés face à un système qui les dépasse et dont les tenants et aboutissants semblent destinés à leur échapper.
Et s’il suffisait au contraire de prendre le taureau par les cornes et de faire sien la dimension économique de la vie en société pour changer les choses? C’est ce à quoi le congrès ÉcoNous a convié ses participants du 16 au 18 septembre dernier.
Cet événement pancanadien s’est tenu à London et a rassemblé des centaines de participants issus du milieu coopératif, de l’économie sociale et du développement communautaire. ÉcoNous (ou EconoUs en anglais) permet chaque année aux congressistes de créer des liens avec des leaders de l’innovation sociale, d’apprendre des stratégies propres à stimuler la prospérité locale, de partager leurs expériences et préoccupations et d’intensifier la promotion de l’économie sociale comme alternative viable.
De nombreuses conférences, ateliers et panels de discussion ont occupé les participants pendant trois jours sur des thèmes très divers et parfois surprenants : les neurosciences et le leadership, les coopératives d’alimentation et de production agricole, l’évaluation des impacts des bonnes pratiques de gestion, l’entrepreneuriat chez les femmes autochtones, etc. Puisque les participants venaient de toutes les régions du Canada, les intérêts et les besoins les plus divers étaient représentés. La dimension nationale de la conférence explique aussi pourquoi de nombreux participants étaient francophones et que certaines activités se sont déroulées dans les deux langues officielles.
Témoignages francophones
Plusieurs personnalités franco-ontariennes du Centre-Sud-Ouest et d’ailleurs se trouvaient sur place. Ainsi en est-il de Julien Geremie, directeur général du Conseil de la coopération de l’Ontario (CCO), qui a participé à un panel portant sur le leadership du XXIe siècle. De quoi devrait être fait le leadership de l’avenir selon lui? Il devra être stimulé chez le plus grand nombre en misant sur les compétences de chacun et être pratiqué par l’engagement dans la communauté et en sachant ce qui s’y passe par le réseautage. Faire preuve d’humilité quant à son degré de connaissance et apprendre à se fier à l’expertise des autres constituent l’attitude à avoir selon M. Geremie, qui a également mis en garde l’auditoire quant à la confusion entre popularité et leadership et la complaisance qu’il est facile d’éprouver à l’endroit de soi-même et des siens.
Mais passer d’un leadership individuel à un leadership collectif n’est-il pas un vœu pieux lorsque l’on connaît l’apathie des masses, souvent impatientes de se délester de ses responsabilités? « Oui et non, tempère Julien Geremie. Peut-être y a-t-il une hiérarchisation naturelle qui se fait mais pas d’une ampleur telle que l’on voit dans les grandes organisations ou entreprises. » Les petits groupes seraient, selon le directeur général du CCO, plus en harmonie avec la nature humaine et, de toute manière, le leadership d’un seul ne peut s’opérer dans le vide : « Un leader n’est rien s’il n’y a pas des gens qui l’aident à accomplir sa vision ».
Chacun a le potentiel pour faire sa marque, l’important étant d’être en phase avec ce que l’on est pour être à son meilleur : « Une fois que l’on sait qui nous sommes, c’est le socle dont on a besoin pour bâtir ce qui se trouve autour de soi », commente M. Geremie. Quant à ce qu’il a le plus apprécié du congrès, ce sont le réseautage, les partenariats et l’occasion de communiquer la vision du CCO.
Son collègue Clément Panzavolta, agent principal et chargé des opérations au bureau de Windsor, a lui aussi été marqué par un aspect particulier de la programmation : « C’était un atelier sur la succession dans l’entreprise. Il y a un problème au Canada quant à la reprise d’entreprises. C’est beaucoup de pression sur une seule personne ». Pour y remédier, la reprise collective s’impose comme une alternative viable : « C’est une réelle solution que je pourrais apporter dans une communauté ».
De son côté, Fairouze Touni, agente de développement à la Société économique de l’Ontario et basée à London, dit participer afin de créer des partenariats fructueux. « L’idée, c’est d’avoir un aperçu sur tout, avance-t-elle. Au sein de nos communautés et organismes, on n’est pas innovateur, on a peur d’innover. L’innovation, c’est un processus mais on ne le fait pas au plan organisationnel. » Afin d’assurer la pérennité de ce qui fait la communauté au plan associatif, il est nécessaire de s’informer, de se remettre en question et de nouer des liens.
Conclusion
Mme Touni avait aussi été invitée à faire partie du groupe de « témoins », une tradition autochtone consistant en un certain nombre d’individus responsables de partager au plus grand nombre ce qu’ils ont vu et entendu afin que la teneur d’un événement ne soit pas oubliée. Cette activité, la dernière au programme d’ÉcoNous 2019, a laissé à chacun l’occasion de tirer conclusion de ce qui devait être retenu de l’événement.
Fairouze Touni a souligné l’importance du réseautage au cours de ces trois journées et a mis en lumière l’importance de se remettre en question pour innover et accepter les rétroactions. « Je lie cela à l’intelligence émotionnelle et à l’intelligence culturelle », a-t-elle avancé.
Mme Touni a conclu son intervention par ces mots : « Il faut s’accepter soi-même, il faut accepter autrui, il faut se concerter ». Comme quoi l’économie sociale, dans sa conception holistique de l’humain, va bien au-delà de la comptabilité.
PHOTO : Le panel de discussion sur le leadership du XXIe siècle