Dans la région de Lambton-Sarnia, le paysage se distingue de deux manières très différentes : les champs en culture y côtoient en effet de près l’industrie du carburant. Or, ces deux secteurs économiques se rencontrent par le biais d’un produit dont la population a beaucoup entendu parler ces dernières années : l’éthanol.
C’est particulièrement le cas en Ontario où le gouvernement provincial avait mis en place, en 2005, un programme destiné à subventionner le développement de la production d’éthanol. Une somme de 520 millions $ avait été allouée aux entreprises pour les inciter à ouvrir des usines spécialisées dans ce biocarburant. Sept firmes s’en sont prévalues dont Suncor, qui fit construire à St. Clair, au sud de Sarnia, la plus importante usine du genre au Canada. Dans l’ensemble, 1,1 milliard de litres d’éthanol sont produits chaque année en Ontario dont 400 millions dans les installations de Suncor.
Il ne s’agit pas du seul incitatif à la production de cette alternative au pétrole. Le gouvernement ontarien exige ainsi que l’essence vendue sur son territoire soit composée à au moins 5 % d’éthanol. Puisqu’il existe d’autres politiques favorisant ce créneau et considérant que le programme de subventions établi il y a une décennie a amplement porté ses fruits, Queen’s Park a décidé de ne pas le renouveler lorsqu’il prendra fin le 31 décembre prochain. Le gouvernement estime qu’environ 300 emplois permanents ont été créés grâce à cette initiative de même que 7500 autres postes temporaires lors de la construction des usines, sans compter que de nombreux agriculteurs en ont également profité en trouvant dans ce secteur un revenu d’appoint.
La production d’éthanol est souvent critiquée, notamment pour son coût élevé et la pression à la hausse qu’elle entraîne sur le prix des aliments. Bon nombre de gens considèrent néanmoins ce substitut au pétrole comme étant l’énergie de l’avenir. En réalité, bien que plusieurs l’ignorent, l’idée d’utiliser de l’alcool (car l’éthanol n’est rien d’autre que cela) en guise de carburant est loin de relever de la science-fiction car c’était au contraire une pratique courante il y a un siècle.
« Il y a du carburant dans chaque partie de matière végétale qui peut être fermentée. Il y a assez d’alcool dans le rendement annuel d’un acre de pommes de terre pour alimenter les machines nécessaires à cultiver ce champ pendant une centaine d’années », affirmait Henry Ford avec enthousiasme au New York Times en 1925. Le célèbre constructeur automobile savait de quoi il parlait : sa très populaire Model T, commercialisée dès 1908, disposait d’un moteur conçu pour fonctionner aussi bien à l’essence qu’à l’éthanol. Ce produit, libre de taxes depuis que le gouvernement américain avait décidé d’en faire une alternative économique viable pour contrer le quasi monopole de la Standard Oil du milliardaire Rockefeller, était alors très répandu.
À la même époque existaient, dans plusieurs pays, des programmes destinés à stimuler la production d’éthanol et pour obliger les détaillants à ne vendre que de l’essence mélangée à un certain pourcentage de ce substitut. Comme on le voit, les gouvernements des années 2000 n’ont rien inventé… Mais à partir des années 1930, la production d’éthanol commença à décliner pour devenir rapidement marginale. Pourquoi? De nombreuses explications ont été avancées, allant de la capacité croissante de l’industrie pétrolière à diminuer ses coûts de production, et donc ses prix, au lobbying acharné de cette même industrie auprès des gouvernements.
Quoi qu’il en soit, grâce aux efforts combinés d’écologistes, de gens d’affaires audacieux et d’hommes et de femmes politiques visionnaires, l’éthanol reprend aujourd’hui ses droits pour le plus grand bien des générations futures.