Auteur de romans, récits de voyages et nouvelles, le Français Éric Faye a reçu Le Grand Prix du roman de l’Académie française pour Nagasaki, traduit dans une vingtaine de langues. Il a récemment publié Éclipses japonaises, une troublante fiction sur des destins dévorés par un pays impénétrable et un régime ultra autoritaire, la Corée du Nord.

Une collégienne de 13 ans, un caporal américain, une future infirmière, un archéologue, des hommes et femmes de tous âges se volatilisent sur les côtes de la mer du Japon ou dans la zone démilitarisée, entre les deux Corées. Ils sont considérés comme « missing ». Éric Faye pénètre dans l’imaginaire et la vie secrète de ces incompréhensibles disparus pour nous échafauder une bouleversante intrigue.

Avec autant de personnages et de circonstances particulières, la trame romanesque devient vite complexe, pour ne pas dire compliquée. J’ai plus d’une fois été tenté de mettre le livre de côté. Si certains personnages ont « peur qu’une sorte de lèpre ne s’attaque à leurs souvenirs, que leur passé ne tombe en poussière devant eux », j’ai eu peur de ne pas comprendre comment ces être cachés par les dieux pouvaient réapparaître tels des spectres, sur les terres de Kim Jong-un.

L’auteur maîtrise son intrigue et entre dans la psyché de ses personnages qui sont à la fois dans notre monde et dans l’au-delà. Il illustre, par exemple, comment le manuscrit d’un archéologue fait partie de son identité : « un centaure mi-papier, mi-homme ». Il montre comment l’espoir, bien que groggy et mutilé, demeure toujours bien vivant dans le for intérieur d’une jeune femme.

Ce roman de la rentrée aux Éditions du Seuil fera peut-être de vous un double lecteur : tour à tour espion et enquêteur.

Paul-François Sylvestre

Éric Faye, Éclipses japonaises, roman, Paris, Éditions du Seuil, 2016