En cette année du 150e anniversaire de la fédération canadienne, des citoyens issus de trois générations et de trois régions partagent leurs sentiments et réflexions sur les célébrations à venir.

L’ancienne directrice générale de TFO, Claudette Paquin, souligne que les feux d’artifice entourant l’anniversaire abonderont, notamment chez elle, à Lafontaine. La retraitée tient toutefois à souligner que l’histoire du Canada déborde largement des 150 ans et de spectacles pyrotechniques communautaires.

« Les Autochtones sont là depuis des milliers d’années et les francophones, depuis quatre siècles. Si on utilise le 150e juste pour célébrer la Confédération, on va passer à côté de l’essentiel », croit-elle.

Le son de cloche est semblable chez Denis Perreaux, directeur de la Société historique francophone de l’Alberta et ancien directeur général de l’Association canadienne française de l’Alberta, qui soutient que la Confédération n’a pas été très douce à l’égard des francophones. Il souhaite que les célébrations ne servent pas juste à « reconnaître 150 Albertains extraordinaires », comme le veut l’initiative provinciale, mais aussi à mettre l’histoire en perspective. « Il ne faut pas juste avoir du glaçage, mais du gâteau aussi », illustre-t-il.

Il porte encore les cicatrices de la cause Caron de 2015 sur le bilinguisme législatif dans l’Ouest canadien en Cour suprême. « Dans tout le Territoire du Nord-Ouest, administré selon une charte de la Grande-Bretagne, on avait un système d’accommodation. Mais sitôt transféré au Canada, un programme systémique a été établi pour nous enlever nos droits. »

En Atlantique, Sara Abdessamie sert un bien autre discours sur le 150e anniversaire de la fédération canadienne. Pour la jeune femme de Fredericton arrivée au Canada à l’âge de deux ans, les célébrations permettront de souligner sa fierté d’être une Canadienne à part entière et la diversité du Canada. « Quand on parle de la Confédération, je pense à cet immense pays avec ses diverses réalités, dit-elle. Le fait qu’on se tient ensemble fait notre fierté et notre force. On a le français et l’anglais et d’autres langues. J’ai été une activiste très forte là-dedans. »

Regard sur l’avenir
Mme Abdessamie estime que la barrière linguistique demeure une des choses les plus difficiles à briser. Elle croit qu’un travail s’impose en matière de dualité linguistique.

« On avait deux peuples fondateurs et quatre provinces au départ, rappelle Claudette Paquin. Si on devait établir une nouvelle convention nationale aujourd’hui, ce serait quoi? On inclurait les Autochtones, les réfugiés et les immigrants. On ne peut pas avoir une société épanouissante si on ne réaligne pas comment on va vivre ensemble. »

L’instigatrice des premières dramatiques télé en français en Ontario avance des pistes pour assurer l’unité canadienne dans sa diversité. « Il faudrait penser à des solutions structurantes entre les Premières Nations, les nouveaux arrivants et les francophones. Comment peut-on se positionner sans être en compétition? On ne le fera pas en tirant la corde et en fermant les yeux. Deux organismes pourraient prendre ça en mains : la FCFA du Canada et la Fondation pour le dialogue des cultures.

Dennis Perreaux souhaite aussi un réalignement substantiel des valeurs « pour reconnaître de façon profonde la place des différents peuples du pays ». Promoteur de l’accommodement et des négociations, il espère tout de même « célébrer la culture politique qui nous a permis d’assurer une inclusion entre les francophones, anglophones et Autochtones », dit-il.

Selon Sara Abdessamie, il semblerait que le Canada est engagé dans cette direction. « Moi et ma famille, on a été accueillis à bras ouverts, d’abord au Québec où la transition a été bien faite, puis au Nouveau-Brunswick », dit celle qui est membre du Conseil jeunesse du premier ministre et étudiante à l’Université Dalhousie (Halifax) qui a obtenu une bourse de 100 000 $ de la Fondation Loran à 18 ans. « On forme une grande mosaïque, toutes les minorités sont incluses », conclut celle qui souhaite que pour le 150e, on permette aux jeunes de participer davantage aux décisions. « Ils ont beaucoup à dire et c’est important de connaître leur perspective », affirme-t-elle.

J.-P. Dubé / A. Joly