Qu’est-ce qui explique qu’une personne obéira au doigt et à l’oeil à ce que lui prescrit le gouvernement en ce qui a trait à la COVID-19, tandis qu’une autre n’éprouvera que de l’indifférence, voire se révoltera contre les recommandations et règlements liés à la pandémie? C’est ce à quoi se sont intéressés deux chercheurs de l’Université Western de London, Anthony Jehn et Anna Zajacova.

Anthony Jehn (Crédit: Université Western)

M. Jehn, candidat au doctorat en sociologie, et Mme Zajacova, professeur de sociologie, ont examiné les données issues d’un sondage fait par Statistique Canada auprès de 4200 répondants. L’enquête de l’agence fédérale cherchait à déterminer le degré d’adhésion générale à quatre pratiques de base recommandées par les autorités sanitaires : le lavage fréquent des mains, le port du masque, la distanciation sociale et l’évitement des foules.

La majorité des Canadiens sont disposés à changer leurs habitudes en fonction de ces pratiques mais il existe d’importantes différences entre les groupes sociaux. Ainsi, quatre caractéristiques sont associées à une moins grande obéissance aux directives sanitaires : le fait d’être un homme, né au Canada, jeune adulte et vivant en zone rurale. À l’autre bout du spectre sociologique, les femmes âgées, issues de l’immigration et résidant en milieu urbain sont les plus susceptibles de se plier aux consignes sanitaires.

L’étude s’attarde aussi à diverses variables socioéconomiques : emploi, éducation et type de logement. Ainsi, par exemple, en ce qui touche à l’éducation, les répondants détenteurs d’un diplôme universitaire étaient plus susceptibles de porter un masque et de se tenir loin des rassemblements. Ceux ayant un certificat professionnel étaient au contraire les moins portés à suivre les recommandations sanitaires.

Anna Zajacova (Crédit: Cliff Davidson)

Dans toutes les catégories d’âge, d’origine, de niveau d’éducation, etc., c’est le port du masque qui constitue la mesure la moins populaire et la moins pratiquée : au total, 67 % des répondants ont dit en porter un régulièrement au moment où ce n’était pas obligatoire de le faire. Se laver les mains pour prévenir la transmission du coronavirus était au contraire la pratique sanitaire la plus répandue (94 % des répondants) tandis que la distanciation sociale et l’évitement des foules se situaient, à égalité, entre ces deux extrêmes (80 % des répondants).

Anthony Jehn précise que toute politique gouvernementale qui se baserait sur cette étude devrait prendre en considération qu’elle s’appuie sur des questions qui devaient être répondues par « oui » ou « non » seulement et que ceux qui ont participé au sondage l’ont fait sur une base volontaire.

Cette dernière précision est importante puisque les gens tendent, inconsciemment ou non, à surestimer la fréquence et la rigueur avec lesquelles ils respectent le protocole sanitaire.

Un autre facteur susceptible de laisser les décideurs publics dans le noir est le fait qu’aucune donnée n’était disponible quant à la race, la province de résidence, le revenu et l’occupation professionnelle des répondants.

Cependant, les deux chercheurs sont tout de même parvenus à avancer certains éléments de réponses qui expliquent ces différences de comportement entre les groupes observés. Ainsi, être issu de l’immigration peut expliquer une plus grande adhésion aux protocoles sanitaires dans la mesure, par exemple, où le port du masque était déjà fréquent en Asie avant la présente pandémie. D’un autre côté, il n’est pas surprenant que moins de gens soient enclins à respecter activement les protocoles sanitaires en zone rural où l’absence de transmission communautaire à grande échelle donne l’impression que le problème n’y est pas si important.

L’étude sera publiée dans le journal Canadian Public Policy/Analyse de politiques.