Raphaël Lopoukhine

L’an dernier, il y a eu plus de gratte-ciels construits à Toronto que dans n’importe quelle autre ville dans le monde. Lorsque l’on commence une conférence ou une visite, il est toujours bon de planter le décor. Et le décor, Chantal Smieliauskas de la Société d’histoire de Toronto le connaît parfaitement. C’est Toronto, ville de gratte-ciels qui affiche sa puissance économique à la face du monde en élevant des tours gigantesques.
Après avoir expliqué les tenants et les aboutissants de l’architecture « art nouveau » à Toronto, l’an dernier, lors de quelques promenades historiques, Chantal Smieliauskas a choisi de se concentrer sur les gratte-ciels. Un sujet qui n’est pas sans rapport avec l’art nouveau, puisque de nombreux gratte-ciels sont bâtis selon cette mode artistique. En fait, il s’agit même d’une des trois grandes catégories de bâtiments torontois. Les immeubles classiques et les immeubles de style international, qui tentent de gommer toute influence culturelle, en sont les deux autres.
« La hauteur des bâtiments a répondu à des besoins différents au cours des siècles mais souvent l’idée prépondérante était l’expression de la puissance, que ce soit grâce à la flèche d’une cathédrale ou les 80 étages d’un gratte-ciel », raconte-t-elle. Et Toronto, métropole du Canada, siège national des grandes banques et de la bourse, impose la puissance de son capitalisme. Elle l’a presque toujours fait d’ailleurs, puisque son premier gratte-ciel est le Temple Building, construit en 1895.
La puissance de Toronto, ce sont ses banques. Fondée à Toronto en 1869, la banque Dominion a installé son siège social sur ce site. En 1914, l’importance nationale de la banque a entraîné la construction de ce gratte-ciel de 12 étages, de style beaux-arts avec des détails néo-renaissance. On y retrouvait la chambre forte la plus grande de la ville et le hall le plus élégant. Oeuvre des architectes Darling et Pearson.
En 1955, sa fusion avec la banque de Toronto a donné la banque Toronto-Dominion. Le bâtiment a été transformé en édifice résidentiel en 2005.
Ce qui est intéressant, avec Chantal Smieliauskas, c’est qu’elle n’hésite pas à pousser la porte de ces édifices, surtout lorsqu’ils sont aujourd’hui des hôtels. Et effectivement, l’envers du décor vaut l’endroit. Le but de ces intérieurs est d’émerveiller le visiteur en présentant des dorures, des plafonds hauts et des lumières qui ne sont pas sans rappeler celles des grandes cathédrales italiennes de la Renaissance.
En fin de visite, Chantal Smieliauskas a emmené le groupe à la rencontre du gratte-ciel Trump, tout nouveau et tout beau, avec sa fresque de mosaïque incrustée d’or. « Il y a pour 25 000 $ d’or », indique le portier, en costume très chic. Et pour finir, la galerie Allen Lambert, située dans l’édifice TD. Un atrium en forme de cathédrale de verre conçue par l’architecte espagnol Santiago Calatrava qui relie la rue Bay à l’Heritage Square. Sûrement la plus belle œuvre architecturale de la ville.