Toute initiative destinée à améliorer l’offre de services en français vaut la peine d’être soulignée et l’une des plus récentes innovations en la matière touche le collège universitaire King. Cette institution affiliée à l’Université Western de London réserve désormais une de ses admissions au programme de baccalauréat en travail social aux francophones afin de stimuler chez eux l’intérêt pour cette discipline et s’assurer qu’il y ait, dans la région, des professionnels de ce domaine pouvant intervenir auprès de la population de langue française.
Qu’est-ce à dire? Le collège King applique des critères de sélection très serrés pour l’admission à son programme de travail social de sorte que seuls 40 candidats sont admis chaque année. Ce système très compétitif n’est pas unique à cette institution et, là comme ailleurs, il existe des admissions réservées à certains groupes sociodémographiques. Ainsi, par exemple, le collège King réserve une place, au sein des admissions annuelles pour ce programme, à un candidat issu des Premières Nations. Un système de pointage complexe prend en considération la détermination et les notes des candidats et si l’un deux s’identifie comme Autochtone, cela peut augmenter ses chances d’être sélectionné. À noter que cette politique ne limite pas à un seul le nombre d’Autochtones susceptibles d’être admis mais vise plutôt à ce qu’il y en ait au moins un.
C’est en voyant cette politique être adoptée que Nicole Deagle, membre du comité de diversité et d’équité de l’école de travail social du collège à titre de représentante communautaire et elle-même travailleuse sociale en milieu scolaire, a eu l’idée de suggérer que pareille initiative puisse être implantée pour les francophones. Les arguments avancés pour justifier cette mesure en faveur des Premières Nations correspondaient selon elle à ce qui pouvait être dit des communautés de langue française.
Le comité s’est montré favorable à l’idée mais a demandé à ce qu’elle soit étayée par un argumentaire. Un long et laborieux processus a alors débuté pour mener à bien ce projet et, heureusement, Mme Deagle a pu compter sur l’appuis enthousiaste de Nancy Larivière, coordonnatrice de projet au Réseau franco-santé du Sud de l’Ontario (RFSSO). Mme Larivière avait auparavant eu l’occasion de tisser des liens avec divers intervenants du collège universitaire King dans le cadre du projet Communauté accueillante – dont il sera question plus loin.
Le document préparé par Mmes Deagle et Larivière détaillait les préjudices historiques ayant entraîné une assimilation et un manque de services pour les francophones tout en mettant en lumière la demande de travailleurs sociaux bilingues et les bienfaits que la communauté de langue française, la profession dans son ensemble et le collège lui-même pourraient retirer de la mise en place d’une admission réservée.
Le comité de diversité et d’équité a accueilli positivement cet argumentaire mais, à l’étape suivante de l’étude de ce projet, les réactions se sont avérées étonnament réservées. Le comité d’admission a même suggéré qu’il serait peut-être préférable de transformer la catégorie « francophones » en une vague catégorie « immigrants », ce qui n’a pas manqué de laisser perplexe Nicole Deagle : « Les gens ne comprennent pas que c’est une population en soi et que l’on ne peut pas les englober avec les immigrants ou autres », s’étonne t-elle.
Mmes Deagle et Larivière sont donc revenues à la charge avec cette fois toute la communauté derrière elles : des lettres d’appui des organismes, en particulier ceux oeuvrant en santé, ont donc été jointes à la demande de même que celle de l’Association des travailleuses et travailleurs sociaux de l’Ontario. Le comité d’admission a alors donné son approbation et le projet a facilement passé, en avril dernier, la troisième et dernière étape qui est l’approbation du comité de la faculté. Le collège accepte dès cet automne les demandes d’admission pour 2019.
« Le fait d’avoir une allocation spécifique pour un candidat francophone, c’est significatif et symbolique de l’importance qu’ils accordent aux services en français », commente Nancy Larivière. Elle précise que cette innovation répond également à un besoin puisqu’il est parfois difficile, pour les fournisseurs de services, de recruter des professionnels ayant une connaissance suffisante du français.
De plus, l’admission réservée à un francophone représente un atout pour le projet de Communauté accueillante, qui s’adresse justement aux étudiants et diplômés bilingues. Par le biais de ce projet, le RFSSO travaille à approfondir la relation entre le milieu communautaire, les employeurs et les futurs professionnels de la santé afin que ces derniers soient plus enclins à s’établir dans le Sud-Ouest et à pratiquer l’offre active de services en français. Cet exercice de réseautage se fera notamment par l’entremise d’un site web, auquel le RFSSO met présentement la dernière touche, et qui permettra à ses utilisateurs d’échanger de l’information et de s’informer des ressources existantes.
La faculté de travail social du collège universitaire King est, dans le sud de la province, la seule qui réserve une de ses admissions à un candidat francophone. Chapeau à Nicole Deagle et Nancy Larivière pour avoir réussi ce tour de force!
PHOTO : C’est dans cet édifice que se trouve l’école de travail social du collège universitaire King.