Il y a une épidémie chez les Canadiens dont on parle beaucoup moins que celle du coronavirus et qui dure depuis plus longtemps : la solitude.
« Un taux élevé de solitude a été observé dans les sociétés occidentales industrialisées – surtout chez les adolescents, les jeunes adultes, et les personnes âgées – d’où vient la tendance d’utiliser le terme « épidémie », explique Stéphanie Marion, professeure adjointe au département de psychologie au campus Glendon de l’Université York.
Supposément la solitude est une douleur sociale qui ressemble, d’un point de vue neurologique, à la douleur physique et elle touche environ de 25 % à 30 % de la population canadienne.
« En effet, les mêmes régions du cerveau sont activées quand nous sommes en douleur physique et quand nous faisons l’expérience de douleur sociale causée par l’exclusion », précise la docteure en psychologie.
Pourquoi l’expression « douleur sociale »? Les besoins d’appartenance et d’établir des relations sont fondamentaux à la nature humaine, surtout en temps incertains où il y a une hausse de stress et d’ambiguïté.
Par contre, le besoin d’appartenance est différent d’une personne à l’autre. Mme Marion confirme que la solitude est subjective et est créée par sa propre perception négative d’un manque.
« Ce n’est pas simplement un manque de relations sociales qui cause la solitude, mais la différence entre nos attentes envers nos relations sociales et ce que nous possédons en réalité », indique-t-elle.
Et ce n’est surtout pas le simple fait d’être seul. « Nous aimons tous parfois être seuls », souligne la professeure.
Ça se complique encore. « Le degré de solitude dépend aussi de notre explication des raisons de notre solitude (ou plus seul qu’on le voudrait), et si on se blâme pour un isolement non désiré », résume Mme Marion.
La solitude serait également en relation avec le blâme. Selon l’explication de la professeure, une attribution interne (les gens ne m’aiment pas) et stable (c’est à cause de ma personnalité) mène à un niveau de solitude subjectif plus élevé qu’une attribution externe (je suis nouvelle à cette école) et temporaire (je n’ai pas eu le temps de me faire des amis).
Alors, à long terme, ressentir de la solitude peut devenir très grave. « L’expérience d’une solitude prolongée est associée à la dépression, l’anxiété, aux troubles de la personnalité, aux psychoses et à de multiples symptômes physiques », révèle-t-elle. Et plus rarement, la solitude peut mener à la toxicomanie.
Les liens faibles
Chose intéressante, des recherches récentes indiquent que les liens banals au quotidien – le terme précis étant faibles pour désigner les liens en dehors de son groupe principal, sont étonnamment importants.
L’échange avec le barista au petit café ou avec le chauffeur d’autobus, sont des types d’interactions « invisibles », celles qui ont diminué au cours de la pandémie, diminuant ainsi le nombre d’interactions sociales totales vécues au quotidien.
« Les liens faibles sont essentiels, car ils agissent comme de petits rappels que nous faisons partie d’une communauté plus large », précise Mme Marion.
La timidité et la peur du rejet social sont deux facteurs qui peuvent mettre à risque les gens. « Ils mènent à un cercle vicieux, car les gens timides craignant d’être rejetés seront moins enclins à rechercher des interactions sociales, ou peuvent même les éviter délibérément », commente-t-elle.
Si l’on se sent seul, contacter les gens qui existent déjà dans sa vie peut aider. Si on ne sait pas quoi dire, il suffit de poser des questions sur la vie de l’autre. D’autres activités qui peuvent aider à assumer sa solitude incluent le bénévolat, accomplir des gestes de bonté et même prendre le temps de créer quelque chose d’artistique.
« Habiter avec d’autres adultes (conjoint, amis ou colocataires) peut également protéger de la solitude à travers un niveau de soutien social plus élevé », ajoute-t-elle.
La professeure en psychologie avoue quand même qu’augmenter les interactions sociales exige parfois plus d’efforts. « Notre mode de vie doit le permettre et nous donner de l’espace pour le faire », explique-t-elle. Ça veut dire savoir quand dire non; travailler, mais pas trop; et se faire plaisir égoïstement de temps en temps!
SOURCE – Élodie Dorsel
PHOTO – La solitude touche de 25 % à 30 % de la population canadienne.