Plusieurs commerces de détail ont mis la clé sous la porte en 2017, mais la fermeture de Sears Canada semble être la nouvelle économique qui a le plus affecté les Canadiens, qui n’ont pas pu cette année consulter le catalogue annuel pour remplir leurs listes de cadeaux.

La chaîne de magasins en difficulté a passé la majeure partie de la dernière année à tenter de se réinventer. Ce processus a mené à l’ajout de services d’alimentation dans certains magasins, à l’essai d’une boutique éphémère à Toronto et à l’élaboration d’un « bouton de commande » qui aurait permis à ses clients de se procurer leurs produits préférés simplement en appuyant sur un bouton à la maison.

Mais ces efforts n’ont pas permis d’éviter le pire et le détaillant établi depuis longtemps au Canada a annoncé plus tôt cette année qu’il liquiderait ses 130 magasins restants, laissant ses 12 000 employés sans travail.

La fermeture de la chaîne a provoqué son lot de controverses. D’abord, Sears Canada a choisi de distribuer des primes de rétention à ses cadres alors que l’entreprise est aux prises avec un déficit de plus de 260 millions $ dans son régime de pension. Plus tard, le Bureau de la concurrence a ouvert une enquête sur des allégations selon lesquelles Sears Canada aurait gonflé ses prix avant le début de sa vente de liquidation.

Cette fermeture hautement médiatisée et les controverses qui s’en sont suivies ont contribué dans le choix de Sears Canada comme la nouvelle économique de l’année 2017, récoltant 47 pour cent du vote des journalistes spécialisés en affaires dans le sondage annuel effectué par La Presse canadienne auprès des salles de presse du pays.

La réforme des impôts des petites entreprises a terminé en deuxième place, avec 16 pour cent du vote, tandis que les négociations sur le commerce international et les entreprises de cannabis ont terminé à égalité au troisième rang, à 14 pour cent.

« Pour plusieurs Canadiens, Sears est plus qu’un magasin, c’est une institution », a remarqué Allan Shifman, rédacteur en chef chez Yahoo Canada Finance.

« Ajoutez cela à la façon horrible dont le magasin a fermé … C’est une histoire qui résonne chez tous les Canadiens, et pas juste ceux qui lisent les nouvelles financières. »

Le détaillant a été critiqué pour avoir versé de généreuses primes de rétention à ses cadres pour qu’ils restent au sein de l’entreprise pendant le processus de liquidation.

Au départ, il voulait payer 7,6 millions $ à 43 employés, mais il avait plus tard diminué cette somme à 6,5 millions pour 36 employés. Ce dernier montant a été approuvé par un juge ontarien, mais certains employés croient toujours qu’il est trop élevé.

Alors que l’entreprise était déterminée à verser ces primes, elle faisait également face à un manque à gagner de 19 pour cent dans son régime de pension, ce pourrait signifier que les employés devront peut-être éponger cette somme.

Cette nouvelle fait référence aussi à une tendance plus large dans le milieu des affaires, la dite « apocalypse du détail, dans laquelle des magasins physiques perdent au profit des ventes en ligne », a souligné Daniel Tencer, responsable à la section affaires chez HuffPost Canada.

La percée du commerce en ligne était l’un des nombreux facteurs qui ont contribué aux difficultés de Sears Canada, selon Brandon Stranzl, l’ancien président exécutif de l’entreprise. Il avait démissionné en août pour tenter de sauver l’entreprise, mais sans succès.

« Le fossé majeur que rencontre un grand magasin est l’agrégation », a-t-il dit, ajoutant que Sears Canada avait déjà été l’endroit où les clients allaient tout acheter pour leur maison.

Ce modèle a été bouleversé lorsque des détaillants spécialisés ont commencé à se répandre et à gruger la clientèle de Sears.

« Et après l’arrivée d’internet, les marques ont pu aller directement vers leurs clients », a-t-il soutenu.

De plus, les détaillants à rabais, dont Walmart, se sont multipliés et ont forcé les entreprises comme Sears Canada à réduire leurs prix.

M. Stranzl a tenté de remédier au problème en créant une marque maison de vêtements et d’autres produits, en lançant une section à prix modiques et en se concentrant sur le commerce en ligne.

« L’entreprise aurait dû performer parfaitement pour éviter une restructuration », a-t-il expliqué, soulignant que la direction avait tout fait pour que cela n’arrive pas.

« Nous n’avions pas assez de temps pour mettre en oeuvre tous les plans. »

Le sort de Sears Canada fait suite à plusieurs fermetures de détaillants dans les dernières années. Target, Zellers, et maintenant Sears Canada ont laissé des vides dans les centres commerciaux du pays, qui ont peine à trouver d’autres commerces pour les remplacer.

Concurrente de Sears Canada et maintenant l’un des seuls détaillants au pays, La Compagnie de la Baie d’Hudson semble éprouver des problèmes similaires.

Le détaillant a mis en place un plan de restructuration qui prévoit le licenciement de 2000 employés en Amérique du Nord et il a rapporté une perte de 243 millions $ dans son plus récent trimestre.

Lors d’une téléconférence avec des analystes, récemment, le président et chef de la direction par intérim, Richard Baker, a prédit que le Baie d’Hudson profiterait de la fermeture de Sears Canada.

Brandon Stranzl prévient que toute augmentation des ventes dans la foulée de la fermeture de Sears sera temporaire puisque les défis que doivent affronter les détaillants s’étalent sur le long terme.

« Je crois que leur modèle d’affaires… doit fondamentalement être changé pour que ce soit fructueux sur une longue période de temps parce que les consommateurs ne magasineront tout simplement plus de cette façon », a-t-il soutenu.

SOURCE: Aleksandra Sagan, La Presse canadienne