L’« offre active » : ce concept fait de plus en plus parler de lui dans le milieu de la santé. Mais à quoi réfère-t-il? Il s’agit d’une approche consistant, pour les fournisseurs de services de santé, à proposer sans ambiguïté à leurs clients et bénéficiaires de les servir en français plutôt que d’attendre que ceux-ci en fassent la demande. Au quotidien, cela se traduit par la présence d’affiches mentionnant la disponibilité de services francophones, par des réceptionnistes qui accueillent les patients dans les deux langues officielles, par des épinglettes identifiant le personnel capable de s’exprimer en français, etc.
Luxe ou nécessité, demanderont certains? Pour Roger Gervais, sociologue, la réponse ne fait aucun doute : il s’agit d’une priorité dont la raison d’être n’est ni plus ni moins que la santé et la sécurité du patient. M. Gervais était l’invité du London InterCommunity Health Centre (LIHC) où il a fait une présentation devant une assistance francophone, le 23 octobre dernier, dans le cadre de la Semaine de la santé et du bien-être communautaire. Comme l’a expliqué Sonia Muhimpundu, promotrice de la santé au LIHC, dans son mot de bienvenue, cette semaine est soulignée de diverses manières dans tous les centres de santé communautaire de l’Ontario et Roger Gervais est bien placé pour aborder la question des minorités linguistiques.
En effet, ce professeur adjoint en sociologie à l’Université Sainte-Anne, en Nouvelle-Écosse, a fait de cette question un de ses thèmes de prédilection. Loin d’être étranger aux réalités ontariennes, il a notamment été directeur général du Centre franco-ontarien de folklore et coordonateur et associé de recherche principal pour le projet Pauvreté, sans-abrisme et migration de l’Université Laurentienne.
C’est d’abord par un récapitulatif historique que Roger Gervais a entamé sa présentation. Depuis la Conquête britannique, les francophones ont toujours, d’une façon ou une autre, dû militer pour le respect de leurs droits. En Ontario, la revendication de droits scolaires est devenue un marqueur identitaire des Franco-Ontariens. Mais depuis la lutte pour la sauvegarde de l’Hôpital Montfort, en 1997, les droits linguistiques en matière de soins de santé sont peu à peu devenus un cheval de bataille tout aussi important.
Cependant, les francophones en situation minoritaire, peu au fait de leurs droits ou craignant de déranger, hésitent souvent à demander des services de santé en français. Il arrive que des services francophones existent mais sans être publicisés d’aucune manière, les fournisseurs se fiant sur les patients pour en faire la demande. Or, cette offre passive ne fonctionne pas et entraîne son lot de complications pour la clientèle de langue française qui peine parfois à comprendre et à parler l’anglais : risque de mauvais diagnostiques, haut taux d’erreurs médicales, risques liés aux traitements erronés, problèmes légaux causés par un consentement douteux, etc. Il appert que les personnes en situation linguistique minoritaire prennent en moyenne 40 % plus de temps à guérir que ceux qui font partie de la majorité linguistique.
L’offre active permet d’éviter ces problèmes puisque, dès sa première interaction avec le milieu de la santé, le patient est invité à s’exprimer dans sa langue, une approche qui se poursuivra tout au long de sa relation avec les professionnels qui l’entourent. Bien sûr, tous ne parleront pas français, mais les ressources linguistiques destinées à atténuer ce problème seront au moins clairement mises de l’avant.
Roger Gervais a conclu sa causerie en mentionnant que Santé Canada et le Consortium national de formation en santé ont entrepris des démarches pour former et sensibiliser les étudiants dans le domaine de la santé à la question de l’offre active. Une bonne nouvelle, donc, pour les communautés francophones.