(suite de la p. 1) Plusieurs immigrants, arrivés récemment ou il y a de nombreuses années, ont pris la parole au cours de la soirée mais deux, invités par le Collège Boréal, ont plus particulièrement retenu l’attention de l’assistance : Marc Forrat, chocolatier, et Henri Boyi, professeur à l’Université Western. C’est M. Forrat qui a brisé la glace en parlant le premier, ce qui illustrait d’ailleurs bien un thème récurrent de son intervention : l’entregent. Né au Brésil de parents français ayant quitté l’Algérie pour refaire leur vie, il a eu une enfance difficile mais au cours de laquelle il a appris quelque chose qui devait plus tard assurer son succès : l’art de faire du chocolat. Sa mère avait un restaurant et, de temps à autre, avec les ingrédients qu’il pouvait y trouver, il cuisinait des friandises de sa création.
Il a séjourné en France au cours de sa jeunesse et c’est là qu’il a fait la connaissance de celle qui devait devenir son épouse et qui sera la raison de sa venue au Canada. C’est en 1998 que M. Forrat s’établie en Ontario, d’abord à Windsor, puis Toronto et finalement à London. Comme sa situation professionnelle le laissait passablement insatisfait, il a décidé de se lancer en affaires en 2003 et travaille depuis à son propre compte comme chocolatier. Son parcours l’a amené à penser que les gens, en général, ne saisissent pas toutes les chances qui s’offrent à eux par timidité, par crainte de l’échec. Le Canada est un pays d’opportunités et il ne suffit parfois que de faire preuve d’audace pour en profiter et s’imposer.
Deux dames ont à leur tour parlé brièvement de leur situation. Pélagie Nsabimana, établie au Canada depuis près de cinq ans, a une formation en comptabilité. Mais, comme c’est le cas pour tant d’immigrants, elle a dû sortir de sa zone de confort et tenter autre chose pour se trouver du travail. C’est en services à l’enfance que son choix de programme d’études s’est arrêté. Aujourd’hui, elle constate combien cette décision était judicieuse puisqu’elle travaille non seulement dans ce domaine mais en plus dans sa langue, le français. Évelyne Rumonge a de son côté une expérience plus limitée du Canada puisqu’elle n’y est que depuis un an environ. Elle aussi a décidé d’étudier dans ce domaine très en demande que sont les services à l’enfance.
Ce fut ensuite Henri Boyi qui a entretenu l’assistance de ses souvenirs et de ses conseils. Cela fait maintenant 21 ans que M. Boyi est à London, mais c’est au Burundi qu’a débuté le long et difficile chemin qui devait le mener à travailler à l’Université Western. Le fait est peu connu mais, au début des années 1990, le Burundi fut lui aussi frappé de troubles politiques meurtriers dans la foulée de ce qui se passait alors chez son voisin, le Rwanda. C’est dans ce contexte que la famille Boyi a pris la décision de partir à l’étranger, d’abord aux États-Unis pour y poursuivre des études universitaires. Celles-ci complétées, ils déménagèrent non loin de là mais de l’autre côté de la frontière, à London.
C’est dans cette ville qu’il a fait face aux défis de l’adaptation. La masse d’informations à assimiler pour comprendre les rouages d’un pays en termes de services et de programmes sociaux est énorme. Henri Boyi, comme bon nombre d’immigrants, a dû apprendre à s’y repérer. Mais ce qui a marqué ses premières années en sol canadien furent les efforts
qu’il a investis pour tisser des liens avec sa communauté, tant francophone qu’anglophone. Il s’est impliqué auprès de nombreux organismes et s’est ainsi tissé un important réseau de contacts. C’est ce qui, selon lui, a fait une différence au plan professionnel et il encourage les autres immigrants à aller à la rencontre de la communauté de la même façon. Un jour, il a commencé à enseigner à l’Université Western, donnant de plus en plus de cours jusqu’à obtenir un poste permanent au Département d’études françaises, fonction qu’il occupe toujours aujourd’hui.
Deux autres participants ont conclu la rencontre par leur témoignage. Laurent Habarurema est arrivé au Canada il y a deux mois pour y suivre son épouse, étudiante à l’Université Western. Disposant d’un permis de travail, il a relaté le choc culturel qu’il a vécu ici. Yustus Cyizere a quant à lui étudié à cette même université et est maintenant à la recherche d’un emploi dans son domaine. Entendre le récit de vie des participants et les conseils qu’ils avaient à donner l’a encouragé à persévérer.
De la persévérance, il en faut en effet pour quitter son chez-soi, de l’autre côté de la planète, pour s’enraciner dans le Sud-Ouest ontarien, entraînant parfois toute une famille dans l’aventure. Mais, comme plusieurs témoignages l’ont illustré, avec beaucoup de travail et un peu de perspicacité, c’est un périple qui peut être couronné de succès.
Photo: Une quinzaine de personnes ont participé à l’activité.