« Le français est une belle langue. Si on la pratique couramment en adoptant une attitude positive, sans arrogance, avec un peu de second degré, on a toutes les chances d’ouvrir l’esprit des anglophones à notre culture qui constitue, à l’égale de la leur, les racines de notre pays. »
Claudette Léger est intarissable, comme la langue de Molière qui coule dans ses veines. Cette enseignante à la retraite a développé, dans son discours comme dans ses actes, un art de vivre solidement campé sur la langue française.
Originaire de Saint-Jean-sur-Richelieu, au sud de Montréal, née de mère américaine et de père québécois, cette résidente d’Exeter a façonné sa conception d’une francophonie active à travers ses périples professionnels qui l’ont menée du Québec au Saskatchewan en passant par le Manitoba et l’Ontario.
« J’ai commencé à aimer le français à l’école au contact des comédiens de Radio-Canada, se souvient-elle. Je suivais alors une formation de mannequinat au Québec puis j’ai travaillé dans le secrétariat légal. Quand j’ai su qu’au Manitoba on avait besoin de francophones, mon mari et moi avons déménagé à Saint-Claude, en 1974. J’ai poursuivi mes études au collège Saint-Boniface de Winnipeg où mon goût pour l’enseignement s’est affirmé. »
Travailler et vivre en milieu minoritaire a forgé un sentiment d’auto-défense linguistique chez Claudette Léger qui a toujours refusé l’assimilation. « Je suis restée fidèle à moi-même. Je fais mes chèques en français et je demande des services dans ma langue partout où je vais… et si on me demande quelque chose, je précise que le Canada est un pays bilingue. Je ne suis pas arrogante mais je ne m’en laisse pas imposer. Il ne faut pas avoir peur de ce que l’on est. Le Canada appartient autant aux anglophones, qu’aux francophones, qu’aux Amérindiens », rappelle celle qui se consacrera par la suite à l’enseignement du français aux anglophones.
Monitrice en langue seconde à Willow Bunch, en Saskatchewan, dans une famille canadienne-française de bons chanteurs, elle se découvre une passion pour le chant, se produisant même dans une chorale. «  Cela m’a raccrochée au français, je ne vivais que pour ça. Enseigner de la 1 re à la 12e année était ma manière de contribuer au rayonnement du français en faisant chanter les élèves. »
Diplômée en éducation en 1984 au Manitoba, elle enseigne durant quatre ans à l’école publique Alexandra de London, créant une chorale 40 élèves aux tournées remarquées, puis quatre autres années au Québec au secondaire, avant de revenir en 1992 en Ontario.
« Les premières années d’enseignement à Lambton ont été les plus belles de ma carrière. Notre directeur croyait fort aux vertus de l’enseignement du français que j’ai transmises en créant une bibliothèque dans la classe et en participant chaque année aux dictées Paul-Gérin-Lajoie (PGL), ajoute-t-elle, convaincue du rôle des parents dans l’apprentissage de la langue. En classe d’immersion, les enfants qui réussissaient le plus étaient ceux dont les parents venaient me voir, s’intéressaient à leurs enfants. »
En 2001, les Jeux d’été du Canada vont apporter de l’eau au moulin de l’ardente promotrice de la langue de Molière. La ville de London, en compétition avec quatre autres villes, recourt à ses services pour concevoir un programme bilingue. « London, qui voulait vraiment ces Jeux, m’a demandé de traduire la présentation des disciplines prévues à Lambton : voile et ballon-volant sur plage. J’ai ensuite été aux Jeux où nous avons chanté en français pour la cérémonie officielle. »
Un projet exaltant, tout comme celui de pièce théâtrale en 2010 sur Narcisse Cantin, sur les rives du lac Huron. « J’ai appris à 50 jeunes à chanter en chœur et en français et je me suis découverte une passion pour le théâtre en jouant plusieurs rôles », dit-elle.
« Les francophones assimilés sont les pires ambassadeurs de la francophonie, avoue-t-elle, car ils alimentent la dominance de l’anglais sur le français. Cela ne peut qu’attiser le feu entre les deux car si la pratique des deux langues était mieux reconnue et respectée, nous n’aurions plus à réclamer ce qui devrait être naturel et admis. Les francophones sont parfois leur pire ennemi en ne s’acceptant pas tels qu’ils sont. »
Parler en français en toute circonstance, demander des services partout où on y a droit, ne pas sacrifier son identité sur l’autel de la majorité… Voilà le message de Claudette Léger. Prenant en exemple la multiplication des écoles d’immersion, ses trois enfants bilingues et ses cinq petits-enfants trilingues, elle insiste sur l’instruction et se veut très optimiste pour l’avenir : « Auparavant, parler français était une honte, un signe de repli sur soi. Aujourd’hui, sa pratique est devenue une richesse synonyme d’ouverture sur le monde, un atout pour trouver du travail à l’international, et une même fierté. »
Claudette Léger continue à diffuser son amour pour la langue française encore aujourd’hui. Lors du festival Bach du 6 au 16 juillet, à Exeter, la chorale South Huron Community Choir, dans laquelle elle instille une touche francophone depuis 2010, chantera en français et en anglais pour commémorer les 150 ans de la Confédération canadienne.

Photos : Claudette Léger.