La nouvelle est désormais connue de tous et son ampleur a créé une véritable onde de choc : Target, après moins de deux ans d’activités au Canada, a décidé d’y fermer ses 133 magasins, entraînant 17 600 pertes d’emplois. Plusieurs analystes ont pointé du doigt l’imprudence de la chaîne dans sa volonté de se rendre omniprésente en aussi peu de temps dans un marché qu’elle connaissait mal. Un problème récurrent d’approvisionnement, une campagne publicitaire qui avait créé des attentes qui n’ont pas été comblées, des prix trop élevés au goût des consommateurs, un choix d’articles peu en phase avec les besoins de la clientèle, la compétition féroce de Walmart, etc. : les explications n’ont pas manqué. Mais derrière l’anecdotique se profile un phénomène de fond qui semble être là pour rester : la mutation en profondeur du commerce de détail.
En 2014, Aeropostale a fermé plusieurs de ses magasins au Canada. La même année, Big Lots disparaissait de la carte de même que Sam’s Club. Depuis l’automne, les chaînes Jacob, Mexx et Smart Set ont aussi fermé leurs portes. En janvier, Sony annonçait sa décision de mettre la clé sous la porte de ses 14 succursales au Canada. Dans le même temps, deux chaînes américaines, Nordstrom et Saks Fifth Avenue, planifiaient leur implantation au Canada et Simons, un détaillant d’origine québécoise, annonçait en novembre dernier son intention d’ouvrir cinq nouveaux magasins dont quatre hors Québec d’ici à 2017. Bref, bien du remue-ménage au cours des derniers mois dans le monde du commerce.
Une autre variable à prendre en considération est l’explosion de l’achat en ligne. Tentés par un choix d’articles existant aux États-Unis mais non disponible au Canada, lassés de payer plus cher que les Américains, appréciant l’expérience du magasinage dans le confort de leur foyer, de plus en plus de Canadiens se tournent vers internet. La valeur des achats par internet au pays dépasse maintenant les 20 milliards de dollars, ce qui néanmoins ne constitue qu’environ 5 % des achats au détail.
Il y a quelques années, alors que l’économie canadienne résistait mieux à la crise économique que les États-Unis, il était très tentant pour les chaînes américaines de s’implanter au nord de la frontière. À présent que les États-Unis se sont extirpés de la stagnation économique, le marché canadien n’apparaît plus comme une panacée. La restructuration du marché n’est pas terminée mais tout n’est pas noir pour les détaillants aux Canada. Ainsi par exemple, depuis décembre 2013, les excursions d’un jour aux États-Unis afin de profiter des aubaines ont diminué continuellement, la faiblesse du dollar canadien face à la devise américaine amenuisant les économies réalisées par les consommateurs. La volatilité du secteur de détail devrait donc probablement se poursuivre en 2015 sans que l’on puisse préjuger que ce sera au détriment de l’économie canadienne.
Photo: Plusieurs fermetures et ouvertures de magasins ont changé le visage de nombreux centres commerciaux.