Les maires se suivent mais ne se ressemblent pas. Depuis 1848, 67 hommes et femmes ont accédé à cette fonction à London. Pendant longtemps, les élections se tenaient chaque année et il était rare qu’un maire survive à plus d’un mandat, d’où ce nombre élevé de maires. Certains se sont davantage démarqués par leurs succès, leurs idées, voire leur personnalité. Voici quelques-uns de ces politiciens locaux aujourd’hui oubliés.
Francis Evans Cornish, le malhonnête
Francis Evans Cornish fut le représentant typique d’une époque heureusement révolue. Fils d’immigrant, il naquit à London en 1831 et devint avocat. Cet orangiste convaincu s’intéressa tôt à la politique et devint échevin de London en 1858 puis maire en 1861, poste qu’il conserva jusqu’en 1864. Après quelques incursions ratées en politique provinciale, il emménagea au Manitoba en 1872 pour y pratiquer le droit. Il devint maire de Winnipeg pour un an en 1874 et fut élu la même année député au parlement manitobain. Il mourut quatre ans plus tard d’un cancer à l’estomac.
La malhonnêteté des pratiques électorales de Cornish était proverbiale de son vivant et plusieurs rumeurs sont nées à ce sujet. Il se serait arrangé un jour pour que des soldats britanniques, cantonnés dans la région, soient stationnés dans sa ville pour 24 heures afin de les faire voter pour lui. Il aurait même fait enlever un adversaire la veille d’une élection, le temps de l’accuser de corruption sans lui laisser l’occasion de se défendre. Si certaines de ces histoires sont peut-être des légendes urbaines, des amendes et certaines mesures de transparence prises par ses successeurs témoignent concrètement de ses méthodes peu orthodoxes. Fidèle à ses idéaux orangistes, il fut également, au Manitoba, un opposant aux politiques de réconciliation qui aurait pu faire jour dans la foulée du soulèvement Métis de 1870, employant tous les moyens pour châtier les anciens rebelles.
Adam Beck, l’hyperactif
Autre personnage original mais pour de bonnes raisons, Adam Beck fut maire de London de 1902 à 1904. Hyperactif et réformateur, il créa, à même ses revenus personnels, un concours d’horticulture afin de contribuer à l’embellissement de London. Il améliora le service d’incendie et les politiques d’hygiène publique. Il convainquit le conseil municipal de prendre en charge l’exploitation du London and Port Stanley Railway à l’échéance du bail de l’exploitant privé. Bref, ce bourgeois populiste, cet industriel aux mesures sociales arrivé en politique libre de tout scandale et fort de l’appui des masses n’eut aucun mal à connaître le succès en politique provinciale où il devait laisser un héritage dont a profité l’ensemble des Ontariens.
En effet, Adam Beck est le père d’Ontario Hydro. Son passage en politique municipale l’avait mis en contact avec les besoins des collectivités en matière énergétique et lui avait fait réaliser les insuffisances d’un système dominé par les intérêts privés. En 1905, son insistance à promouvoir des politiques publiques en la matière conduisit le gouvernement à le nommer président d’une commission d’enquête sur l’hydroélectricité. En 1906, il devint le premier président de la Commission de l’énergie hydroélectrique de l’Ontario, qui, de 1974 jusqu’à sa dissolution en 1999, fut nommée Ontario Hydro. Beck continua à s’impliquer pour le bien-être de ses concitoyens de London jusqu’à sa mort, en 1925, après avoir été fait chevalier par George V onze ans plus tôt.
George Albert Wenige, l’accrocheur
Aussi loin des magouilles que des titres de noblesse, un autre maire s’est quant à lui incrusté avec insistance dans le paysage politique municipal pendant 30 ans. George Albert Wenige fut probablement un des politiciens les plus atypiques. Né à Détroit en 1874, il fit connaissance avec London en 1900 alors qu’il était cascadeur à vélo pendant la Western Fair. Prenant la ville en affection, il décida d’y rester et d’y ouvrir un commerce spécialisé dans la mécanique et les bicyclettes. Fervent amateur de ce mode de locomotion, il décida un jour de pédaler de London à Halifax en guise de coup de publicité pour son entreprise.
Wenige fit ses premières armes en politique municipale en se faisant élire conseiller en 1921. Deux ans plus tard, il devenait maire, ce qui serait bientôt chez lui une habitude. Réélu en 1924 et en 1925, il perdit ensuite le pouvoir pour le récupérer en 1928. On le retrouve ensuite maire en 1934 et 1935, puis de nouveau en 1947 et 1948 et finalement en 1950. Il décéda en 1952, peu de temps après avoir tenté encore une fois d’être élu. Wenige, qui détient le record de neuf victoires électorales à la mairie de London, était connu pour ses excentricités mais la population l’aimait bien. Une rue, dans le nord de la ville, porte son nom.
Voilà un bien modeste échantillonnage de ceux et celles qui ont eu le cran d’endosser les fonctions de maire de London et de s’exposer, pour le meilleur et pour le pire, au jugement de leurs concitoyens.
Philippe Thivierge
Photographie: Adam Beck, maire de London de 1902 à 1904