Le fait a souvent été évoqué mais son ampleur était sujette à controverse : les pales des éoliennes tuent de nombreux oiseaux et chauve-souris dont plusieurs appartiennent à des espèces menacées. Une nouvelle étude vient confirmer l’existence de ce phénomène et en détaille les raisons et l’impact.

Un impact sur les animaux
Les Grands Lacs sont une région prisée des promoteurs de l’électricité éolienne car le vent y est plus constant qu’ailleurs et facilement accessible. Le gouvernement provincial accorde régulièrement de nouveaux contrats de construction d’éoliennes et ces installations parsèment aujourd’hui les comtés de Lambton, Huron, Bruce et Elgin comme plusieurs autres secteurs de l’Ontario. Or, une étude exhaustive rendue publique en juillet dernier par la U.S. Fish & Wildlife Service, et dont les résultats valent pour les deux côtés de la frontière, vient jeter la lumière sur certaines conséquences environnementales de ces structures.
Plutôt que de se baser sur des estimations visuelles faites de jour, l’organisme a utilisé des radars pour connaître l’activité des oiseaux et des chauves-souris sur des périodes de 24 heures. Ces animaux étaient particulièrement actifs de nuit près des zones riveraines, c’est-à-dire en des régions où l’on retrouve des éoliennes, et à la même altitude que les pales des turbines. C’est que la configuration des vents les aide dans leur migration et les rives des Grands Lacs constituent des escales importantes sur leur parcours. L’étude laisse entendre que les éoliennes devraient être construites à au moins 16 kilomètres des rives pour réduire leur impact sur les populations d’oiseaux et de chauve-souris.

Etudes et règlements gouvernementaux
Le gouvernement ontarien n’impose pas de critères de distance entre les Grands Lacs et les parcs éoliens et plusieurs d’entre eux se trouvent près des rivages. Cependant, le ministère des Richesses naturelles et des Forêts demande aux promoteurs de s’arranger pour faire un suivi des oiseaux et des chauves-souris tués annuellement pour chaque turbine et de prendre des mesures si le nombre des premiers excède 14 et celui des second 10. Les données amassées en Ontario par l’organisme scientifique Études d’oiseaux Canada indique qu’entre le 1er mai et le 31 octobre 2015, 14 606 oiseaux ont été tués par des pales de turbines ainsi que 42 656 chauves-souris.
Or, selon l’Association canadienne de l’énergie éolienne, il y avait en Ontario, en décembre 2015, 2302 éoliennes. Cela signifie donc que si une moyenne de 6,4 oiseaux ont été tués pour chaque éolienne l’année dernière, satisfaisant ainsi aux consignes du gouvernement, en revanche, 18,5 chauves-souris l’étaient également, soit près du double de la moyenne permise. Ce portrait mi-figue mi-raisin doit en réalité être plus sombre qu’il n’y paraît puisque, rappelons-le, Études d’oiseaux Canada n’a comptabilisé ses données que sur une période de six mois délimitée par les migrations.
Les oiseaux, en contribuant à la pollinisation, à la dispersion des semences et, comme les chauves-souris, au contrôle des populations d’insectes, constituent une composante essentielle de l’écosystème. Leur sauvegarde ne se justifie donc pas uniquement par leur beauté ou les caprices de quelques écologistes mais par leur contribution à la viabilité de l’environnement.

Philippe Thivierge