Le Carrefour des femmes accueillait Jiana Saad, le 19 novembre dernier, dans le cadre de la Semaine des victimes et survivants d’actes criminels. Cependant, il serait réducteur de décrire Mme Saad comme une victime puisque c’est un parcours marqué au sceau de la résilience qu’elle a raconté à l’assistance.
Sa causerie a débuté avec quelques anecdotes relatives à sa jeunesse. Née au Liban dans un milieu défavorisé, elle subit d’abord la violence de son père. Celui-ci, agressif, peu démonstratif de ses émotions et porté sur les punitions physiques, fait régner la peur dans la maison. La mère de Jiana Saad, analphabète, ayant peu confiance en elle et dépendante de son mari, se fait souvent rabaisser par ce dernier et subit ses coups lorsqu’elle tente de s’interposer pour protéger ses enfants.
C’est dans cette atmosphère que Mme Saad passe les 19 premières années de sa vie. À l’âge de 5 ans, elle subit une agression sexuelle et échappe de peu à une autre à 16 ans dans ce pays où la guerre fait rage avec toutes les horreurs qui l’accompagnent. Ayant quitté l’école à l’adolescence pour travailler et subvenir aux besoins de la maisonnée, peu de débouchés s’offraient à elle jusqu’au jour où elle rencontre, par l’entremise d’une amie, l’homme qui deviendra son mari.
Celui-ci a immigré au Canada et sa future épouse ne tarde pas à partir pour ce pays qu’elle connaît très peu. D’ailleurs, Jiana Saad ne parle à ce moment ni le français, ni l’anglais, un facteur qui contribuera à l’isoler une fois sur place.
Cet homme à qui elle s’accroche parce qu’il lui donne de l’affection masculine, quelque chose qu’elle avait très peu connue auparavant ne tarde pas à devenir sa seule relation puisqu’il lui impose de couper les ponts avec son amie. Cela aurait dû être un signal d’alarme, mais, comme l’a expliqué Mme Saad : « Lorsque vous êtes élevé toute votre vie avec des comportements malsains, vous ne pouvez pas faire la différence une fois adulte ».
Elle a un enfant de lui, mais rien ne s’arrange et, très contrôlant et jaloux, il va un jour jusqu’à la frapper. La mère de Jiana Saad lui est alors revenue en tête : « Là, je me suis dit, pour ma mère, je ne vivrai pas la même chose ». Cet événement déclencheur l’amène à se promettre de ne pas s’enfoncer indéfiniment dans cette vie misérable.
Cette prise de conscience ne s’est cependant pas faite du jour au lendemain. Cela dit, sans attendre davantage, Mme Saad a entrepris d’apprendre le français en autodidacte et d’obtenir une équivalence de diplôme d’études secondaires. L’éducation lui paraissait alors une bouée de sauvetage pour acquérir son autonomie.
Petit à petit, elle s’est perfectionnée, tant en français qu’en anglais, faisant même des études universitaires. Entre-temps, elle avait demandé le divorce et ce n’est qu’à partir de ce moment qu’elle a recherché de l’aide professionnelle pour se remettre des traumatismes qu’elle avait subis au cours de sa vie.
Pour bon nombre de personnes vivant ce type de situation, se libérer effraie, car c’est un saut dans l’inconnu. Cette peur naît d’une erreur de perception selon Jiana Saad : celle qui consiste à ne pas se rendre compte que, peu importe ce qui peut arriver après la rupture, cela ne peut pas être pire que le statu quo.
C’est en effet le meilleur qui l’attendait et, jusqu’à récemment, elle se surprenait elle-même de ce qu’elle pouvait accomplir après avoir été dévaluée pendant si longtemps. « J’utilise tous ces obstacles pour grandir et devenir meilleure qu’hier », a résumé sereinement la présentatrice en guise de conclusion avant d’approfondir les échanges avec le public.
PHOTO – Jiana Saad a passé en revue les différentes étapes de sa vie.