Le vendredi 19 février, dans le cadre du Mois de l’histoire des Noirs, le Centre communautaire francophone de Sarnia (CCFS) accueillait l’auteure, compositrice et interprète Stella Adjokê pour une conférence riche en émotions, en information et en réflexion. Artiste au parcours éclectique et éprise de justice sociale, Stella Adjokê a raconté sa découverte de l’Afrique et ce qui l’a amené à s’interroger sur son identité et sur de grandes questions de société.

C’est dans le milieu communautaire et en travail social qu’elle a d’abord œuvré, après un voyage humanitaire au Mali à l’âge de 20 ans. Sa relation avec les Africains qu’elle a alors rencontrés et sa découverte des coutumes locales ont constitué de belles et charmantes expériences mais qui s’accompagnaient également d’un revers de la médaille, un choc culturel autrement plus brutal : celui d’être confrontée à l’extrême pauvreté. Être notamment témoin des conditions de dénuement dans lesquelles les femmes devaient accoucher lui a ouvert les yeux : « Quand je suis entrée dans le dispensaire, c’est là que j’ai réalisé que j’étais dans un village sans eau en 2010 ».

Ce questionnement sur l’Afrique dans ses dimensions les plus diverses a accompagné la jeune femme tout au long de la vingtaine mais encore plus depuis un voyage au Bénin, en 2016, alors qu’elle a participé à un festival de musique. Elle a alors eu l’occasion d’interpréter quelques compositions originales : « Pour moi, ça a été un grand cadeau parce que j’avais toujours voulu rencontrer le peuple africain dans un contexte autre qu’humanitaire ».

C’est également à ce moment qu’un griot, c’est-à-dire un des dépositaires des arts et des traditions orales en Afrique de l’Ouest, lui a accolé ce qui est devenu depuis son nom d’artiste : Adjokê, un mot de la langue yoruba qui signifie « Celle que l’on doit chérir ».

C’est à son retour du Bénin que Stella Adjokê a décidé de se consacrer entièrement à la musique, qui n’était jusqu’alors qu’un à-côté à sa carrière en travail social. La chanson constitue pour elle autant un mode d’expression essentiel que d’une manière de désengourdir un monde souvent aseptisé et factice.

Les arts et le militantisme se conjuguent chez Stella Adjokê, qui a abordé la question de la sensibilisation en cours depuis quelques années à l’histoire des Noirs au Canada et leur situation actuelle. Elle-même a pris part à ce mouvement dans le cadre d’ateliers et en participant à la rédaction d’ouvrages collectifs sur le racisme. Ayant elle-même des racines en partie africaines, il va sans dire que cela l’a amené à se questionner sur son identité.

Bien des expériences sont demeurées taboues pendant très longtemps lorsqu’il est question des peuples noirs, des faits qui, n’ayant jamais été nommés, n’ont jamais guéris. Un devoir de mémoire, d’introspection et de travail sur soi s’impose donc sur le plan collectif, un peu de la même manière que le ferait un individu. « Lorsque quelqu’un est dans le déni de sa réalité, il y a peu de choses qui peuvent être faites pour soigner son mal », a commenté l’artiste militante.

L’indifférence ou le malaise régnants autour de certaines questions doivent être surmontés pour aborder de front les problèmes contemporains. « L’important, c’est de voir l’histoire dans ses diverses réalités et de voir ce qui doit être corrigé dans le présent », selon Stella Adjokê.

C’est en interprétant sa chanson Naturelle, une ode à l’indépendance d’esprit et à l’estime de soi, que l’artiste a conclu sa présentation qui, de l’avis unanime des participants à l’activité, était des plus intéressantes.

 

PHOTO – Stella Adjokê