Mary Simon devient la 30e gouverneure générale du Canada. Elle sera la première Autochtone à emménager à Rideau Hall pour représenter la Reine.

Mme Simon est originaire du Nunavik, dans le nord du Québec. Elle a été présidente du Comité national sur l’éducation des Inuits et présidente de l’Inuit Tapiriit Kanatami.

Dans son premier discours dans ses nouvelles fonctions, elle a parlé en inuktitut et en anglais. Elle n’a tenté qu’une courte phrase en français, livrée difficilement. Puis, elle s’est justifiée.

« Je veux être claire. Mon bilinguisme est inuktitut et anglais, a-t-elle dit, en anglais. Cependant, à cause de mon expérience, grandissant au Québec, on m’a refusé la chance d’apprendre le français pendant mes années dans les écoles du gouvernement fédéral », a-t-elle souligné.

Cette justification a été reprise par le premier ministre Justin Trudeau, debout à ses côtés.

« Sa langue maternelle, c’est l’inuktitut. Elle a appris une langue seconde, l’anglais, dans l’école fédérale où elle est allée parce qu’ils n’enseignaient pas le français dans ces écoles-là dans les années 1950. C’est une réalité », a affirmé M. Trudeau.

« Elle comprend tout à fait – parce qu’on a eu des conversations longues là-dessus – (…) l’importance de pouvoir bien représenter tous les Canadiens et c’est pour ça qu’elle s’engage justement à prendre des leçons et à apprendre le français », a-t-il ajouté.

Mme Simon a promis que les travaux de son bureau de gouverneure générale se feront dans les deux langues officielles du Canada « et en inuktitut, une des nombreuses langues autochtones parlées à travers le pays.

Prudente, elle se tournait souvent vers la lecture de notes écrites pour offrir des réponses aux journalistes présents à la conférence de presse annonçant son arrivée au poste de gouverneure générale.

Ça a été le cas lorsqu’on lui a demandé s’il y a un possible inconfort à représenter la Couronne en tant que membre des Premières Nations.

« Je ne vois pas de conflit, a-t-elle lu, parce qu’en tant que représentante de la Reine au Canada, je suis très préoccupée par les circonstances qui ont mené aux événements que nous voyons aujourd’hui.

« Je comprends mon rôle très bien. Il est apolitique », a-t-elle également dit. Puis, elle a supposé que les responsabilités associées à ce rôle « aideront la relation de travail entre les Canadiens et les peuples autochtones, à travers la réconciliation ou autrement ».

« J’estime que les différences culturelles que nous avons dans notre pays disparaîtront si nous pouvons apprendre à nous comprendre et à nous respecter, les uns les autres », a-t-elle également offert.

« On est, en tant que pays, en train de passer des moments extrêmement difficiles de réflexion sur notre histoire avec les pensionnats autochtones. (…) Et d’avoir quelqu’un qui a dévoué sa vie à cette réconciliation, à expliquer le Nord aux gens du Sud, (…) je pense que c’est quelqu’un qui va amener une perspective, un poids, des capacités importantes pour le pays », a renchéri le premier ministre Trudeau.

Le rôle de gouverneur général est essentiellement protocolaire.

C’est elle qui signera les sanctions royales de chaque loi adoptée par le Parlement. Et c’est à sa porte que Justin Trudeau devra frapper s’il veut dissoudre le Parlement plus tard cet été et déclencher des élections.

M. Trudeau et Mme Simon ont confirmé qu’ils n’ont pas à ce jour discuté de déclenchement d’élections.

Mme Simon succède à Julie Payette qui a démissionné en janvier dernier. Mme Payette, nommée en octobre 2017 par Justin Trudeau, a quitté ses fonctions alors qu’un rapport confirmait les plaintes de plusieurs employés ayant rapporté un climat de travail toxique à Rideau Hall.

 

Réactions

Plusieurs organisations autochtones se sont empressées de saluer l’arrivée de l’une des leurs au poste de gouverneure générale.

Chez les politiciens à Ottawa, la réaction de certains était moins enthousiaste.

« Ce n’est une fonction ni représentative, ni élue, ni légitime », a lancé sur son fil Twitter le chef du Bloc québécois.

« J’espère que cette nomination facilitera l’admission par la Couronne et le Canada des sévices subis par les Autochtone », a toutefois ajouté Yves-François Blanchet.

Le sénateur conservateur québécois Claude Carignan s’en est pris au premier ministre pour son choix. Il s’est dit « estomaqué » de constater que la gouverneure générale ne parle pas français.

« Depuis que ce gouvernement est en poste, j’ai dû déposer à trois reprises des plaintes auprès du Commissaire aux langues officielles pour non-respect par le gouvernement des langues officielles, et maintenant, on vient de nommer la chef d’État du pays qui ne dit pas un mot en français; je suis sidéré », a écrit le sénateur dans un communiqué diffusé le mardi 6 juillet en après-midi.

Son chef, Erin O’Toole, n’a eu, lui, que de bons mots pour Mme Simon.

« C’est un jour important à la fois pour notre pays dans son ensemble et pour les peuples autochtones en particulier », a gazouillé Erin O’Toole, sur son compte Twitter.

Mêmes applaudissements de la part du chef néo-démocrate, aussi sur Twitter. « Félicitations et bienvenue à Mme Mary Simon. Son parcours est impressionnant et elle ne cesse de briser les barrières en devenant la première gouverneure générale autochtone et inuk », a écrit Jagmeet Singh.

 

SOURCE – Lina Dib, La Presse canadienne

(Crédit photo: Northern Public Affairs)