Chaque mois, le Réseau-femmes du Sud-Ouest (RFSO) organise une rencontre nommée « Entre nous », où les femmes francophones de Sarnia sont invitées à discuter d’une question qui les touche de près ou de loin. La problématique abordée le 30 janvier dernier ne concernera jamais directement la vaste majorité des Canadiennes, mais son caractère particulièrement choquant n’a pas manqué de soulever tant l’indignation que la compassion. En effet, l’examen des pratiques entourant le trafic des femmes s’avère être un plongeon dans les abîmes de la bassesse humaine.

C’est au Centre communautaire francophone de Sarnia que se sont réunies les participantes à l’activité. Nathalie Ouattara, intervenante communautaire au RFSO, a ouvert la soirée en présentant quelques faits tirés des données compilées par l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime. 

Le trafic des femmes est une forme de trafic d’êtres humains et, puisqu’il s’agit d’une activité criminelle aux ramifications internationales, à peu près tous les États de la planète seraient concernés, soient comme pays d’origine des victimes, comme lieu de transit ou finalement d’exploitation. Des femmes d’au moins 127 pays seraient sexuellement exploitées dans 137 États, le schème habituel pour les proxénètes étant de piéger leurs victimes dans les pays pauvres pour ensuite les expédier dans les pays plus fortunés.

C’est cette tactique que les participantes à la rencontre ont vue se dérouler sous leurs yeux en visionnant un documentaire dans la seconde partie de l’activité. Tout en offrant un panorama général de cette question, une équipe de télévision suivait le cas particulier d’un Ukrainien partit à la recherche de son épouse, séquestrée en Turquie après s’être fait duper par quelqu’un qui prétentait l’aider. Les pays de l’ancienne Union soviétique constituent le principal bassin d’approvisionnement pour ces réseaux de prostitution.

La stratégie des criminels est en apparence assez grossière mais, pour quelqu’un de vulnérable, vivant dans la pauvreté et désespérément à la recherche d’un emploi pour soutenir sa famille, le doute fait vite place au mirage d’une vie meilleure. C’est souvent par l’entremise de soi-disant agences d’emplois que les proxénètes piègent leurs victimes. Celles-ci se font offrir un contrat comme ménagère, serveuse ou autres dans un pays étranger et acceptent d’y suivre le représentant de l’agence, en fait la personne en charge du trafic. Arrivées dans le pays de destination, elles se font rapidement confisquer leur passeport et, avant qu’elles n’aient le temps de réaliser ce qui se passe, elles sont jetées dans les mailles du réseau de prostitution. Séquestrées dans un pays avec lequel elles ne sont pas familières et où elles ne connaissent personne, c’est sous la menace, la violence et le chantage qu’elles sont réduites au statut d’esclaves sexuelles. Le reportage introduisait ses spectateurs au cœur du réseau en utilisant fréquemment des caméras cachées. Quant à l’Ukrainien dont l’histoire servait de fil conducteur aux explications, il retrouvera finalement son épouse grâce à de multiples stratagèmes et après une traque aussi haletante que risquée.

À l’invitation de Mme Ouattara, les participantes ont échangé sur ce qu’elles avaient appris dans le reportage. La complicité de nombreuses femmes dans l’organisation du trafic en a surpris plusieurs. Mais ce qui a soulevé le plus d’indignation a été l’inertie des autorités politiques, judiciaires et policières quant ce n’est tout simplement leur connivence, les proxénètes ayant largement les moyens de corrompre ceux qui peuvent leur être utiles. Tristes réalités qui ne pourront un jour être battues en brèche que par la conscientisation des masses, travail auquel s’attèle le Réseau-femmes du Sud-Ouest.