Le dimanche 3 juillet, sous la grande marquise du parc Lacasse à Tecumseh, pour la 60e année consécutive les membres de la famille Lacoursière se retrouvaient par un bel après-midi d’été. Il faut dire que les Lacoursière sont intimement liés à l’histoire du pays. Le premier ancêtre, selon Gerry Lacoursière (14e d’une famille de 16 enfants), s’était engagé dans la milice en France et avait été affecté à la protection de la toute jeune colonie de Trois-Rivières (fondée en 1634) en Nouvelle-France. Il est arrivé ici en 1652 au terme d’une traversée entamée à Saint-Malo. « Normalement, il aurait dû repartir en France au bout de son service de deux ans, mais il a choisi de demeurer. Il a épousé une veuve et c’est comme cela que tout a débuté », se rappelle M. Lacoursière. Les ancêtres ont donc connu le régime français puis, suite au Traité de Paris, ils ont vécu sous le régime britannique. Au moment de la révolution industrielle, comme plusieurs Canayens, certains membres de la famille ont migré vers les États-Unis, notamment au Massachusetts où est d’ailleurs né le père de Gerry Lacoursière. « Mon père, Wilfred, est né à Lowell où il espérait trouver du travail, mais, après cinq années au cours desquelles leur seule richesse était les enfants, ils sont revenus à Sturgeon Falls, ici en Ontario. » À cette époque, pour contrer la migration croissante des familles vers les filatures au sud de la frontière, le gouvernement achetait de l’espace publicitaire dans les journaux américains pour annoncer que les nouveaux colons auraient accès gratuitement à une parcelle de terrain et qu’on les aiderait à s’implanter. Plus tard, en 1940, la famille s’installera à Windsor. Ils avaient alors le choix entre Timmins ou Windsor, mais, comme « les cinq aînées étaient des filles et que la famille de la mère (Alma) vivait ici », ils ont décidé d’opter pour le Sud-Ouest. À l’époque, les membres de la famille parlaient à peine l’anglais et ils désiraient conserver leur langue natale. C’est ainsi que s’est établie une règle simple : à la maison, tout le monde parlerait français et les enfants allaient fréquenter une école où les deux langues étaient enseignées. Lors du pique-nique, ce legs francophone était facilement perceptible. En 1956, Alma Lacoursière décide qu’elle veut donner l’occasion à ses petits-enfants de se rencontrer et de mieux se connaître afin de maintenir et renforcer les liens familiaux. Ce fut l’occasion du premier pique-nique, initiative qu’elle répétera au cours des 22 années suivantes. Obligée de passer la main, elle a imaginé mettre les noms de ses enfants dans un sac d’où serait pigé le nom de celui ou celle qui serait responsable d’organiser la prochaine réunion annuelle. Le procédé a été transmis aux petits-enfants et c’est ainsi que d’une année à l’autre entre 80 et 110 personnes se retrouvent par un bel après-midi pour continuer la conversation amorcée il y a 60 ans. Qui plus est, au fil des ans, le pique-nique s’est avéré rentable et il a fallu décider quoi faire avec les surplus. « On a décidé d’en faire profiter un organisme qui vient en aide aux enfants ayant des besoins spéciaux, le John McGivney Chidren’s Centre », indique Yvette Gaudette. Un bel exemple de l’art de se faire plaisir tout en faisant du bien autour de soi.