L’Assemblée de la francophonie de l’Ontario (AFO) a pour mandat d’être la voix des communautés francophones de la province. Pour persuader le gouvernement d’adopter des politiques qui satisfassent aux attentes de la majorité, l’organisme veille à consulter un grand nombre de gens afin de cumuler les données nécessaires pour étayer ses arguments.
C’est dans cette perspective que l’AFO conduit, depuis décembre dernier, des consultations régionales destinées à produire un Livre blanc sur l’immigration en Ontario.
Cette thématique s’imposait. Le gouvernement provincial ne parvient pas à atteindre la moitié de la cible de 5 % d’immigrants francophones qu’il s’était imposée en 2012, ce qui démontre qu’il est temps de trouver des solutions novatrices. Les représentants d’organismes et les simples citoyens étaient invités à répondre aux nombreuses questions soulevées par cette situation. Ils étaient 18, à London, à s’être déplacés, le 19 janvier dernier, pour participer à cette consultation conduite par André Lalonde de la firme Les Sentiers du Leadership.
Gérard Malo, représentant du Sud-Ouest au conseil d’administration de l’AFO, a mentionné, dans son mot de bienvenue, que ce Livre blanc devrait être rendu public quelques jours avant un sommet fédéral-provincial sur l’immigration francophone en milieu minoritaire qui se tiendra les 30 et 31 mars prochain à Moncton.
M. Lalonde a quant à lui rappelé que des efforts avaient été faits dans le passé pour atteindre, mais sans succès, les objectifs en matière d’immigration. Manifestement, le plan actuel est déficient et il est nécessaire de reconnaître qu’il y a une différence entre l’objectif des nouveaux-arrivants, qui est celui, personnel, d’avoir une vie meilleure, et celui des Franco-Ontariens, plus politique, qui est celui de perpétuer leur poids démographique.
Un des participants, Philippe Morin, chef régional au Collège Boréal, a déploré le fait que, faute d’être renseignés à ce sujet, les immigrants de langue française s’adressent aux organismes anglophones qui ne les questionnent jamais quant à leur langue de préférence et ne cherchent pas à les aiguiller vers les ressources francophones. Un autre problème, soulevé par Gaston Mabaya, directeur général de l’ACFO London-Sarnia, réside dans le recrutement déficient qui est fait à l’étranger, notamment en ce qui touche le manque d’information pertinente mise à la disposition des francophones.
André Lalonde a demandé à ce propos ce qui pourrait être fait pour corriger cette situation à l’étranger. Jean-Pierre Cantin, directeur général du Centre communautaire régional de London (CCRL), s’est fait plutôt pessimiste, affirmant que le gouvernement avait tout essayé mais sans succès.
L’information existe mais semble difficilement accessible pour les résidents des pays en voie de développement. Émilie Crakondji, directrice générale du Carrefour des femmes, a plus tard fait remarquer que le Canada ne dispose plus d’ambassades dans plusieurs pays africains de langue française et Gaston Mabaya a renchéri en évoquant le peu de personnel diplomatique responsable du traitement des demandes faites en français.
Tous ces commentaires ont fait dire à M. Lalonde que, manifestement, la gestion des programmes se fait par la majorité anglophone qui décide des ajustements devant être faits pour la minorité francophone, chose qui contraste avec le concept d’égalité des langues officielles. Faudrait-il alors imaginer un système d’immigration pour et par les francophones? L’Ontario devrait-il se doter de son propre système? Suzanne Bélanger-Fontaine, directrice des programmes et services en immigration au Collège Boréal, a avancé à ce sujet que l’Accord Canada-Ontario sur l’immigration pourrait être amélioré pour prendre en compte, de manière détaillée, la dimension francophone.
En ce qui touche au processus administratif, Ibra Seck, responsable des sports au CCRL, a partagé son expérience. Il avait un certificat de sélection du Québec qui l’a accompagné dans tout ce processus. Selon plusieurs participants, si une telle chose existait ici, il serait possible de conserver une trace des immigrants de langue française du début jusqu’à la fin de leur établissement en Ontario. André Lalonde a suggéré qu’un premier contact francophone soit présent à tous les points d’entrée.
Suivre les immigrants de la première à la dernière étape pour s’assurer qu’ils se dirigent vers les services francophones est une tâche ardue. Jean-Pierre Cantin a fait part de son intention de transformer le CCRL, ou à tout le moins le Centre Desloges, en guichet unique. Cette idée fut bien accueillie par Citoyenneté et Immigration Canada mais, essentiellement pour des raisons financières, le gouvernement ne souhaite pas s’engager pour le moment.
Le financement et la collaboration entre organismes ont été au centre de bien des échanges au fur et à mesure que la rencontre tirait à sa fin. Didier Marotte, directeur général du Centre communautaire francophone Windsor-Essex-Kent, a fait remarquer que le contexte budgétaire actuel n’est pas favorable à de nouveaux investissements. M. Marotte a également partagé son appréhension de voir les organismes entrer en compétition pour le financement mais, selon Philippe Morin, ce serait plutôt le gouvernement qui crée la compétition en fixant des cibles d’achalandage trop élevées. Suzanne Bélanger-Fontaine a de son côté exprimé ses réserves quant au trop grand nombre d’organismes faisant de l’immigration leur mandat mais sans avoir les ressources appropriées.
Au-delà des questions économiques, Christelle Desforges, agente de projet au Réseau de soutien à l’immigration francophone, a mis en lumière l’importance de l’intégration culturelle par le biais d’activités sociales. Il ne faudrait pas perdre de vue que le renforcement du tissu social est une autre composante d’une intégration réussie.
London était l’avant-dernier arrêt de cette consultation, Toronto devant conclure ce vaste exercice. Les idées, opinions, critiques et analyses recueillies aideront plus que jamais l’AFO dans sa mission.