Depuis deux mois, gouvernements, organismes, familles et individus ont dû s’adapter à une situation inédite causée par la COVID-19. C’est à tâtons, souvent au prix d’une réorganisation complète de leurs activités, que les fournisseurs de services de toutes sortes se sont efforcés de demeurer fidèles à leur mandat. Les organismes qui viennent en aide aux femmes, étant donné le caractère sensible et confidentiel de leurs interventions, ont eu à relever de grands défis.
Au cours des deux premières semaines suivant la déclaration d’état d’urgence par le gouvernement ontarien, le Carrefour des femmes s’est ainsi adapté à cette nouvelle réalité en combinant, comme tant d’organismes, le travail à la maison à une présence moindre au bureau.
Le Carrefour ne peut pas recevoir, pour le moment, de clientes tant à ses bureaux de London qu’à celui de Sarnia. C’est essentiellement par téléphone et par le biais d’internet que les sessions de groupe et les consultations individuelles se déroulent à présent, ce qui n’est guère l’idéal si l’on en croit la directrice générale, Émilie Crakondji. En effet, comment converser à distance avec une cliente qui a des problèmes avec son conjoint si tous deux sont confinés ensemble à la maison? Comment offrir un service professionnel et focalisé sur la cliente si l’intervenante, dans l’intimité de son foyer, doit en même temps s’occuper de ses propres enfants? Et que faire avec les femmes qui ont besoin d’être accueillies en maison d’hébergement?
Ce dernier point est particulièrement préoccupant. Les mesures de confinement et de distanciation sociale sont étendues aux centres pour victimes de violence conjugale : « Au début, les maisons d’hébergement étaient fermées aux nouvelles clientes, raconte Mme Crakondji. Mais les gens ont dit qu’on ne peut pas les laisser dans la rue ».
C’est donc à la va-vite, au gré d’initiatives locales, que se sont mises en place des solutions. Certaines municipalités se sont ainsi engagées à payer les frais d’hôtel pour les femmes qui, souhaitant être admises en maison d’hébergement, devaient d’abord se confiner pendant 14 jours pour s’assurer qu’elles ne présentent pas de symptômes. Par contre, à London, plus grande ville du Sud-Ouest, il n’y a pas eu d’entente de ce genre.
« C’est difficile de mettre en place des solutions, commente la directrice générale. C’est un casse-tête énorme. »
Ce problème est caractéristique de ce que les organismes ont vécu jusqu’à présent, alors qu’il faut souvent plusieurs jours, voire des semaines, pour que des alternatives soient établies tant bien que mal en fonction des développements constants de la situation.
Malgré tout, les organismes ne sont pas complètement paralysés par la pandémie. Le Carrefour des femmes s’est d’ailleurs allié avec d’autres organismes de London et des représentants de communautés ethnoculturelles dans le cadre d’un « comité de soutien et de solidarité » qui viendra en aide aux francophones en difficulté.
C’est donc dire que la vie continue et que la pandémie n’a pas contraint le milieu communautaire à une léthargie complète. Le Carrefour des femmes prévoit ainsi, dans le cadre de la Semaine des victimes et survivants d’actes criminels qui se tient à la fin mai, initier sur diverses plateformes web une conversation pour et par les adolescents sur des thématiques chères à l’organisme.
Le Carrefour a également dans sa mire ce qui se passera alors que la vie en société reprendra son cours normal. « On s’attend à avoir une demande de service élevée pour les abus sexuels », estime Émilie Crakondji sur la base de certaines enquêtes révélant un risque plus élevé pour les femmes en cette période de confinement. L’organisme prévoit aussi tirer leçon de ce qui se passe pour se doter d’une politique plus élaborée de gestion de crise.
Certaines pratiques mises en place pourraient également rester, telle l’utilisation fréquente de la vidéoconférence qui permet d’organiser des ateliers et discussions sans nécessiter de déplacements. Même si cette mesure a été imposée par les circonstances, ce mode de communication a gagné en popularité. « À chaque fois qu’il y a une rencontre virtuelle, le nombre de participantes augmente », note la directrice générale.
Il reste encore bien des inconnus quant au dénouement de la crise générée par la COVID-19 mais, au moins, la lumière au bout du tunnel est désormais bien visible.
PHOTO : Émilie Crakondji