Carte d’embarquement, valise, passeport… et attestation numérique de vaccination?

Souhaitant à tout prix que la pandémie de coronavirus ne leur coûte un autre été de revenus touristiques, l’Union européenne, certains pays asiatiques et l’industrie du transport aérien planchent sur le développement de « passeports vaccinaux » pour relancer les déplacements internationaux.

Ils tentent de mettre au point un système qui permettrait aux voyageurs d’utiliser des applications mobiles pour prouver qu’ils ont été vaccinés, ce qui pourrait leur permettre d’éviter de pénibles quarantaines une fois arrivés à destination.

Les multiples initiatives sur la table mettent toutefois en évidence l’absence d’un système international centralisé pour vérifier la vaccination. Le projet se heurte aussi à des problèmes de collaboration technique, de protection de la vie privée et d’inégalité d’accès aux vaccins.

Les passeports vaccinaux s’ajouteraient aux multiples applications déployées par différents gouvernements en réponse à la pandémie de COVID-19. Si leur utilisation domestique (par exemple, pour avoir accès à des restaurants ou des salles de spectacle) fait sourciller, leur utilisation sur la scène internationale semble plus populaire, surtout maintenant que des pays comme l’Islande ouvrent leurs portes aux touristes et que d’autres, comme l’Arabie saoudite, permettent à leurs citoyens entièrement vaccinés de voyager.

Voici comment pourraient fonctionner les passeports vaccinaux.

 

Initiatives officielles

La première partie du passeport vaccinal est le carnet de vaccination numérisé officiel de l’utilisateur.

L’Union européenne, la Chine et le Japon travaillent tous à l’élaboration d’attestations numériques de vaccination pour les voyages à l’étranger. De son côté, le Royaume-Uni a mis à jour la semaine du 16 mai l’application du système de santé national pour que les utilisateurs puissent prouver qu’ils ont été vaccinés lors d’un voyage.

L’attestation numérique de l’UE est actuellement mise à l’essai. Elle confirmera aussi les résultats de tests de dépistage de la COVID-19 ou une guérison de la maladie, et devrait être disponible à la fin du mois de juin. Elle pourrait permettre aux résidants de 30 pays européens de recommencer à se voir.

On ne sait toutefois pas quand ces attestations seraient vérifiées, puisque l’Union européenne n’a pas de contrôles frontaliers internes. Bruxelles dit que chaque pays serait libre de faire comme bon lui semble. Les voyageurs présenteraient sur leur téléphone un code QR qui serait associé à leur base de données nationale.

L’Organisation mondiale de la Santé ne recommande pas qu’une preuve vaccinale soit exigée pour les déplacements internationaux, en raison de la distribution inégale des vaccins, mais elle participe quand même à des consultations intérimaires pour le développement d’un « certificat intelligent de vaccination ».

 

Applications de voyage

Les voyageurs auront aussi besoin d’une application pour stocker une éventuelle attestation de vaccination.

Le projet de l’Union européen fait appel à une technologie libre que les pays européens pourront utiliser pour développer leurs propres portefeuilles mobiles officiels.

L’application IATA Travel Pass de l’Association du transport aérien international (IATA) a été adoptée par des transporteurs aériens comme Qantas, Japan Airlines, Emirates, British Airways et Virgin Atlantic. Une initiative rivale, l’application sans but lucratif CommonPass, a reçu la faveur de transporteurs comme Cathay Pacific, JetBlue, United et Lufthansa.

Le patron de CommonPass, Paul Meyer, s’attend à ce que les passeports vaccinaux soient éventuellement obligatoires pour voyager.

 

Et la fraude?

De fausses attestations papier sont problématiques depuis le début de la pandémie, mais les responsables affirment que les versions numériques seront très difficiles à contrefaire.

L’IATA dit qu’elle ne vérifie pas les résultats de tests de dépistage ou le statut vaccinal. Elle agit toutefois comme intermédiaire, par le biais de son application, entre le voyageur et les autorités qui détiennent ces informations.

L’application utilise la caméra du téléphone pour comparer le visage de l’utilisateur aux données biométriques de son passeport.

D’autres mesures sont en place pour combattre l’usurpation d’identité.

 

Sécurité et vie privée

La question des passeports vaccinaux est très épineuse. Des débats en ligne alimentent des craintes non fondées qu’ils seront utilisés pour contrôler la population, restreindre les libertés et éroder la vie privée. Les développeurs répliquent que les applications ne stockent qu’un minimum de données personnelles dans les téléphones, et que seules les clés de chiffrement permettant un échange d’information circulent.

« Si c’est bien fait, ça ne présente aucun risque additionnel pour la vie privée puisque tu ajoutes simplement un oui ou un non », a dit Kevin Trilli de la firme Onfido, qui travaille à une technologie d’attestations de vaccination.

On se demande aussi si les différents systèmes d’attestation de la vaccination seront compatibles et si les pays accepteront de reconnaître les preuves vaccinales des autres. Le gouvernement britannique a prévenu que peu de pays acceptent actuellement les preuves de vaccination des voyageurs.

« On ne pourra pas avoir un système interopérable dès le premier jour », mais les problèmes seront réglés au fil du temps, ce qui préparera le terrain en vue de la prochaine pandémie, a dit M. Trilli.

Mais qu’en est-il des gens qui n’ont pas de téléphone intelligent? Ou des familles qui n’ont pas un téléphone pour chaque membre? Des dirigeants de l’UE et de l’IATA disent étudier différentes solutions.

 

SOURCE – Kelvin Chan, The Associated Press