L’idée de patrimoine architectural renvoie souvent à des images de bâtiments centenaires aux styles s’ancrant définitivement dans un passé aujourd’hui révolu. Mais la modernité, peu importe ce que l’on entend précisément par ce terme, a aussi son histoire. La plupart des gens ne s’en rendent pas compte mais ces édifices aux traits épurés, minimalistes, géométriques, parfois un peu bizarres et qui parsèment le paysage urbain, ont bien souvent 50 ou 60 ans.
Bien que « modernes », les styles qui caractérisent ces constructions ont depuis longtemps cédé la place à d’autres modes. N’est-il pas temps d’accorder à ces bâtiments une attention égale à celle portée aux monuments plus anciens? C’est ce que pense le Comité aviseur sur le patrimoine à London. Ce groupe lié au conseil municipal est composé de citoyens qui partagent un intérêt commun quant à la préservation architecturale. Sur leur recommandation, le conseil municipal adoptait, le 20 juillet dernier, une motion ajoutant 16 bâtiments à l’inventaire patrimonial de la ville (City of London’s Inventory of Heritage Resources). Cette liste recense les édifices jugés significatifs au plan historique, notamment parce qu’ils illustrent bien une époque. Lorsqu’ils sont désignés comme tel, la Ville a une responsabilité à leur endroit pour éviter leur démolition.
Les années d’après-guerre furent une période de prospérité pour London et, là comme ailleurs, le goût pour des nouveautés radicalement différentes de ce qu’avait connues jusque-là la société s’est reflété dans l’industrie du bâtiment. Construits entre 1949 et 1971, les 16 résidences, lieux de culte et édifices utilitaires ajoutés à la liste patrimoniale sont représentatifs de cette envie de mettre en valeur de nouvelles formes, textures et utilisations de l’espace. Une 17e propriété devait être ajoutée à la liste, l’église Hillside sur Commissioners Est, mais le conseil municipal a préféré poursuivre les consultations à son propos. Il faut dire que les débats entourant la préservation de lieux considérés comme historiques engendrent souvent le mécontentement de quelques-uns, pour des raisons légales ou budgétaires ou parce que les propriétaires des lieux visés considèrent ces politiques comme une intrusion.
L’architecture des années 1950 et 1960 est rarement mise en valeur. Elle se fait éclipser par les monuments anciens dont l’âge ou la splendeur constituent des qualités évidentes aux yeux de tous, et les constructions très récentes se distinguant par une excentricité qui, si elle en fait rager quelques-uns, a au moins le mérite de ne pas passer inaperçue. En entreprenant de préserver cette part de son histoire, la Ville de London a pris l’initiative de corriger cette situation qui autrement aurait conduit, à terme, à la disparition de ces témoins des bouleversements sociaux propres à cette époque.
Photo : Une partie de la Faculté d’éducation de l’Université Western