Lorsque le 1er août 2007 le Commissariat aux services en français est créé, les quelque 540 000 francophones de l’Ontario vivent une petite révolution.
Nommé par Madeleine Meilleur, alors ministre déléguée aux Affaires francophones, Me François Boileau prend, dès septembre, les commandes du premier bureau du genre dans la province.
Épaulé par une équipe de cinq professionnels, le juriste va, au fil de ses mandats, lancer des consultations, instruire des plaintes et diligenter des enquêtes pour faire respecter la loi afin de garantir des services de qualité en français. Ses rapports annuels et spéciaux aboutiront sur de nombreuses recommandations qui impacteront les décisions gouvernementales et la vie quotidienne des citoyens.
Création des entités de planification en santé, nouvelle définition inclusive de francophone, adoption d’un règlement sur les tierces parties, etc., les progrès réalisés au cours de la dernière décennie ont contribué à améliorer les prestations.
« Nous avons tenté de faire avancer l’accès à la santé, à la justice, à la formation, etc. Partis de rien, nous avons démontré notre plus-value, ne serait-ce que de se faire entendre et comprendre du gouvernement. Certes, nous avons essuyé des refus dans les périodes ‟politiques”, mais nos recommandations ont plutôt été bien suivies dans l’ensemble. »
Cette oreille gouvernementale s’accentuera avec l’obtention, en 2014, de l’indépendance du commissariat, conséquence de l’adoption du projet de loi 106. Relevant directement de l’Assemblée législative et non plus du ministère, le commissaire devient un interlocuteur pris très au sérieux. « On a clairement senti une différence dans le ton des ministères comme dans la façon d’être reçu. Ce statut très utile a favorisé des rencontres de très haut niveau. »
Grâce à une équipe toujours plus grande – composée de 14 personnes à l’heure actuelle –, le commissariat a orienté ses efforts sur l’offre active. « Il a fallu faire comprendre qu’il ne suffit pas d’avoir des services disponibles à la demande, mais un environnement dans lequel les services sont offerts sans qu’on ait à les demander, poursuit le commissaire Boileau. Ce combat continue aujourd’hui. Le personnel fonctionnaire suit des formations là-dessus, mais il n’existe aucune directive obligatoire malgré mon rapport spécial pour inclure l’offre active dans la loi. »
François Boileau estime qu’il faut aller encore plus loin, non pas seulement dans l’arsenal législatif et son respect, mais aussi dans la manière de s’attaquer aux obstacles auxquels se heurtent les citoyens franco-ontariens.
« On ne peut pas se satisfaire de la situation actuelle. C’est à nous d’être plus proactifs, devancer des plaintes et être plus précis dans nos recommandations pour accélérer la mise en œuvre des règlements par les administrations, ambitionne-t-il, ne jugeant pas nécessaire d’avoir plus de pouvoir.
« Ce qui pourrait manquer au commissariat est la possibilité d’aller devant les tribunaux ou avoir un pouvoir de sanction, mais je ne suis pas certain que ce soit une bonne idée. Si j’étais juge et partie, je perdrais mon pouvoir de médiation qui donne une grande marge de manœuvre avec le gouvernement. »
Le commissariat poursuit donc sa mission en sondant les besoins de la communauté et en remettant sur la table les dossiers brûlants. Si celui de la création d’une université dans le Centre-Sud est en train de prendre forme avec la publication du rapport Adam à la rentrée, la refonte de la Loi sur les services en français qu’il réclame depuis longtemps tarde à poindre.
« Je suis convaincu que rien ne bougera avant les élections de juin 2018. Je ne ressens pas d’appétit du gouvernement de réformer en profondeur la Loi 8. Pourtant, une version 3.0 reflétant notre société s’impose. »
Le combat pour améliorer les services en français en Ontario ne connaît pas de trêve.
Photo : François Boileau tente de faire avancer une vingtaine de dossiers actuellement.