Depuis la mi-mars, à peu près tous les aspects du quotidien ont été chamboulés par la COVID-19. Des francophones résidant sur le territoire de L’Action ont accepté de répondre aux questions du journal quant aux conséquences de la pandémie sur leur vie.

Sophie Burdan, Goderich

Pour des raisons aisées à comprendre, les entreprises liées à la production ou à la vente de nourriture sont considérées comme essentielles par le gouvernement et sont, par conséquent, autorisées à poursuivre leurs opérations. La boulangerie de Sophie Burdan est donc toujours ouverte avec les mesures de distanciation sociale qui s’imposent, ce qui constitue pour elle un casse-tête logistique. En effet, de nombreux clients passent désormais des commandes qu’ils viennent ensuite chercher et Mme Burdan estime avoir à présent deux fois plus de travail que d’habitude.

Il s’agit presque d’une bénédiction alors que tant de gens se retrouvent sans emploi. Sophie Burdan constate d’ailleurs que l’impact de la pandémie sur son commerce est limité : « Pour le moment, il n’y a pas beaucoup de négatif considérant que les marchés de fermiers ne sont pas encore ouverts et que l’hiver, on tourne un peu plus lentement ».

Une heureuse coïncidence, donc, que la COVID-19 n’ait pas frappé alors que les affaires de la boulangerie battent leur plein. Ce pourrait malheureusement être le cas si la crise se poursuit pendant des mois : pour écouler ses produits, Mme Burdan compte beaucoup sur les marchés publics et ceux-ci seraient sans doute affectés de plusieurs façons par les restrictions.

Dans l’immédiat, Sophie Burdan constate néanmoins que la situation a quelques côtés positifs. Les clients sont plus conscients de la fragilité de ce qui est tenu pour acquis et sont davantage reconnaissants. Les familles seront peut-être plus soudées qu’avant : « Le fait que les parents sont à la maison avec les enfants, c’est une chance. Je crois qu’il y aura beaucoup de gens qui vont se découvrir ». Qui plus est, chacun peut profiter de ce moment pour faire le point sur sa vie : « J’espère que l’on apprend tous et que l’on changera pour le mieux ».

Dex Kouna, London

Avant que n’éclate cette crise sociale et économique que la planète vit présentement, Dex Kouna était très actif au sein de la communauté catholique francophone de London. Il l’est toujours mais, même à ce chapitre, le coronavirus a trouvé le moyen de ne pas se faire oublier.

« On enregistre les messes qui sont rediffusées sur la page Facebook de la paroisse », explique M. Kouna. Qui plus est, ses contacts avec les autres paroissiens et avec les membres du conseil des Chevaliers de Colomb dont il fait partie ne se déroulent plus de la même façon : « On se regroupe ensemble sur Zoom, poursuit-il. On se voit plus virtuellement que physiquement ».

Les vidéoconférences n’ont heureusement pas à se substituer à la vie de famille. Cependant, encore là, la pandémie a changé les habitudes en forçant la fermeture des écoles et des garderies. « Avec la petite, on fait des jeux, des danses, on regarde des dessins animés, relate Dex Kouna. Chaque jour, on essaie de faire quelque chose de différent. » Le spectre de la COVID-19 pèse aussi sur les tâches du quotidien en imposant d’incessants lavages des mains et de nombreuses précautions, notamment lorsque vient le temps de faire des achats.

Comme plusieurs, M. Kouna travaille à la maison. Même si ses revenus personnels sont assurés, il n’en demeure pas moins qu’en général, les conséquences financières à long terme de la pandémie l’inquiète. À cela s’ajoute de nombreuses questions partagées par le reste de la population : « Est-ce qu’on va rester comme ça encore longtemps? Comment va se passer l’été? »

Ginette Prévost, Sarnia

« Quand on sort, on a peur d’être infecté. On devient un peu paranoïaque », remarque Ginette Prévost, résumant en cela un état d’esprit très répandu.

Cependant, les occasions de sortir se font rares. Passer des exercices au gym au tricotage à la maison n’est certes pas le plus important des changements que Mme Prévost a eu à affronter mais cela illustre le confinement auquel les Ontariens doivent s’astreindre. Les sorties au bingo, au cinéma et au restaurant sont désormais choses du passé, le ménage fait maintenant office de passe-temps et, comme bien d’autres, elle attend avec impatience le retour à la normal.

Ce sont cependant les restrictions aux interactions avec autrui qui l’affectent le plus, tel qu’avoir moins de proximité avec ses petits-enfants. « La technologie ne remplace pas le contact humain », observe-t-elle.

Les festivités de Pâques ont d’ailleurs été très différentes cette année : les rassemblements de plus de cinq personnes étant interdits, ce sont jusqu’aux réunions familiales qui sont bousculées par le coronavirus. Fidèle à son habitude, Ginette Prévost a cuisiné le traditionnel repas de circonstance mais pour le diviser aussitôt en portions qu’elle a prudemment distribuées, dans des contenants de plastique, aux membres de sa famille qui résident dans sa ville.

Tout de même, quelques points positifs se dégagent de cette crise : « J’aime le fait que le gouvernement va essayer d’être plus indépendant. On ne peut pas compter sur les autres quand c’est un problème mondial ». La baisse drastique de la pollution partout où la pandémie a frappé ne nuira pas non plus mais il s’agit d’une mince consolation alors que des millions de gens perdent leur emploi, une tragédie qui ne laisse pas Mme Prévost indifférente.

Rénald Richer, London

Il est souvent question, ces derniers temps, du personnel médical dont les compétences sont très en demande. Avec sa formation en ingénierie chimique, Rénald Richer n’est pas un travailleur de première ligne mais les circonstances ont rendu son expertise indispensable aux yeux de plusieurs.

« Je travaille à mon compte, explique-t-il. Pendant un bout de temps, ça allait lentement mais là les commandes commencent à rentrer. »

En effet, la course aux équipements médicaux qui sévit sur la scène internationale a poussé les gouvernements d’ici et d’ailleurs à se tourner vers les entreprises locales pour s’approvisionner. Or, celles-ci doivent en partie procéder à une reconversion de leurs équipements et procédés pour satisfaire à la demande et ont pour cela besoin des conseils de gens tel que M. Richer. Spécialisé dans le domaine des mélangeurs de produits industriels, en particulier les mélangeurs sous-vides, ses connaissances tombaient à point!

« Avec la COVID-19, les gens vont vouloir être moins dépendants des autres pays, commente Rénald Richer. Il faut qu’il y ait une collaboration mais il faut aussi être capable de se protéger soi-même. » À terme, il croit que la situation sensibilisera la société à l’importance de conserver une base industrielle importante.

Au cours des dernières semaines, M. Richer a passé une partie de ses temps libres à venir en aide aux laissés-pour-compte. C’est en s’appliquant à respecter le principe de distanciation sociale qu’il a distribué une grande quantité de nourriture aux itinérants. Son épouse, infirmière de formation, a de son côté repris du service sur le terrain. Bref, chacun fait sa part pour aider la population à passer au travers de ces temps difficiles.

Claudette Léger, Exeter

« J’ai été obligée d’arrêter la télévision pendant un bout de temps : c’est trop de nouvelles et c’est démoralisant. » Sans dévaluer l’importance d’être informée, Claudette Léger n’est sans doute pas la seule à trouver étourdissante cette avalanche d’informations, certaines pertinentes, d’autres moins. Pour oublier de temps à autre ce qui se passe, elle écoute davantage de musique qu’à l’ordinaire et s’occupe à jouer au piano, à lire et à cuisiner.

Retraitée, Mme Léger peut se permettre de rester à la maison sans craindre pour sa sécurité financière. Cependant, l’annulation de toutes les activités culturelles et sportives a été un coup dur puisqu’elle était jusque-là très active. Heureusement, il lui reste sa cour arrière où elle peut au moins prendre l’air.

Ce ne sont néanmoins pas tous les aînés qui disposent d’alternatives pour se maintenir occupés et continuer à avoir une vie sociale. « La pire des choses qui peut nous arriver en ce moment, c’est de perdre contact avec les autres », ajoute Claudette Léger qui, comme bien d’autres, s’appuie désormais davantage sur les ressources offertes par le web pour discuter avec ses enfants.

Les personnes âgées sont les plus susceptibles de tomber gravement malade du coronavirus et d’en mourir. « Même si je suis en bonne forme, j’ai un problème chronique, confie Mme Léger. Ma crainte, c’est d’aller à l’hôpital. Même si on fait attention, on sait que c’est un endroit à risque. » Au-delà de sa situation personnelle, elle est également préoccupée par les conséquences de la COVID-19 sur l’économie et sur ceux qui sont moins aptes à s’adapter aux changements et à la pression.