Du 2 au 4 mai, l’université Western accueillait un colloque international de linguistique portant sur les langues romanes, c’est-à-dire les idiomes dérivés du latin. En guise de préambule à cet évènement, étudiants et professeurs étaient invités, le 1er mai dernier, au Musée de London où les attendaient entre autres une exposition sur le français au Canada et une conférence portant sur les études faites sur les communautés franco-ontariennes.

L’exposition itinérante « Le français au Canada » est un projet du Musée canadien des langues, une institution ayant pour mandat de faire connaître la diversité linguistique du pays. C’est spécialement et uniquement pour le symposium sur les langues romanes que cette modeste exposition fut mise en montre dans la soirée du 1er mai, alors que les francophones et la communauté universitaire étaient invités à venir écouter deux conférenciers. Dans le hall d’entrée du Musée de London, les participants ont pu lire les panneaux explicatifs retraçant l’évolution du français en Amérique du Nord en termes de variétés historiques, géographiques et phonétiques. Des enregistrements sonores permettaient également de mieux saisir les variances de la langue.

Il existe trois types de français parlé sur le continent. Le « laurentien » est, comme son nom l’indique, né sur les rives du fleuve Saint-Laurent aux temps de la Nouvelle-France. Il s’est ensuite progressivement répandu vers l’ouest, notamment en Ontario, au gré des migrations. Il se caractérise par ses origines triples : la langue régionale de l’ouest et du centre-ouest de la France, d’où sont originaires la vaste majorité des ancêtres des Canadiens français; le parler populaire de Paris et de l’Île-de-France; et finalement, la langue plus formelle et sophistiquée de l’élite administrative et du clergé. Voici quelques exemples typiques de laurentien : dire « être après » pour « être en train de »; l’ajout du pronom « tu » pour les interrogations, comme dans « Il vient-tu? »; la persistance de certains archaïsmes, telle l’ancienne désignation des noms de repas; etc.

L’acadien, dialecte des francophones des Maritimes et de leur diaspora, découle de la langue propre au centre-ouest de la France du XVIIe siècle. L’accent des Acadiens est facile à reconnaître, avec ses h aspirés et la prononciation de la lettre d en dj. Une autre caractéristique archétypique est d’accorder les verbes en ont plutôt qu’en ent lors de l’emploi de la troisième personne du pluriel.

Le troisième type de français parlé n’était pas présenté dans l’exposition car il n’existe pas sous nos latitudes. Le louisianais, une curiosité aujourd’hui hélas presque disparue, fut cependant abordé lors de la conférence de François Poiré, professeur de linguistique au Département d’études françaises de l’université Western. En effet, après avoir jeté un coup d’œil à l’exposition et fait meilleure connaissance, les participants, soit environ 35 personnes, pour l’essentiel des étudiants et des professeurs, se sont rendus dans un salon attenant pour écouter deux présentations.

Plusieurs hispanophones se trouvaient dans l’assistance pour écouter Joyce Bruhn de Garavito, elle aussi professeure à l’université Western. Sa conférence, délivrée en espagnol et portant sur cette langue, n’aura évidemment pas autant retenu l’attention des francophones que celle de François Poiré. Ce dernier vint entretenir son auditoire de la contribution des études sur les Franco-Ontariens à la recherche en linguistique. Cette discipline explore entre autres les distinctions vocaliques, la survivance dans certaines régions de mots disparus ailleurs, la prononciation, etc. 

D’entrée de jeu, M. Poiré a évoqué les multiples visages du parler franco-ontarien, qui correspondent à autant de communautés à l’identité locale encore vivace. Après avoir brossé à grands traits un historique des origines du français en Ontario, il s’est attardé sur les recherches ayant été faites sur ce dialecte. Ce sujet d’étude demeure encore récent puisque ce n’est qu’à partir des années 1970 que la communauté universitaire a commencé à s’y intéresser.

François Poiré a évoqué les travaux de trois professeurs ayant contribué plus particulièrement à la compréhension des particularités du français en Ontario. D’abord Pierre Léon, un phonéticien de l’Université de Toronto décédé l’année dernière, qui fut un des pionniers dans ce domaine. Puis, France Martineau, de l’Université d’Ottawa, qui étudia entre autres comment les changements apportés à la langue dans la foulée de la Révolution française se sont répandus rapidement en Amérique du Nord, de sorte que les générations se côtoyaient alors en écrivant différemment. Enfin, Raymond Mougeon, professeur au collège Glendon de l’université York, qui a consacré plusieurs de ses travaux aux variations sociales et géographiques du français parlé en Ontario, à la vitalité ethnolinguistique des communautés franco-ontariennes, à l’histoire sociolinguistique du Québec et de la France, etc. M. Poiré a également évoqué l’existence du Projet Phonologie du Français Contemporain, une initiative d’envergure internationale pour laquelle une soixantaine d’enquêtes ont été entreprises dans le monde dont deux en Ontario, soit à Hearst et à Belle-Rivière.   

De Lisbonne à Bucarest, de Rome à Paris en passant par Madrid, Genève, Bruxelles, etc., les langues romanes forment une bien grande famille dont l’histoire a fait naître d’autres rameaux en Amérique latine, en Afrique et ailleurs. La francophonie est un de ces grands ensembles auquel les Franco-Ontariens, à leur façon et parfois contre vents et marées, apportent leur contribution. 

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