En Ontario, ou ce qui était alors le Haut-Canada, les premières élections destinées à former une assemblée législative se sont tenues en 1792. L’Ontario a également été l’une des quatre premières provinces à adhérer à la Confédération en 1867. C’est dire combien l’histoire politique de cette province ne date pas d’hier. Le territoire couvert par L’Action n’est pas en reste au plan historique puisque trois premiers ministres du Canada y ont passé une partie de leur vie ou de leur carrière.
Ainsi, si la ville de Sarnia n’a jamais été témoin d’évènements politiques épiques, elle peut néanmoins se targuer d’avoir été représentée par un homme ayant dirigé le pays. Alexander Mackenzie fut le premier libéral à occuper la fonction de premier ministre du Canada de 1873 à 1878. Son nom n’évoque généralement quoi que ce soit que pour ceux qui se passionnent pour l’histoire, et pour cause. En effet, presqu’à l’inverse de ce qu’il en est aujourd’hui, les noms des partis représentaient réellement leur orientation politique, de sorte que les libéraux adhéraient autrefois au libéralisme, donc à une intervention minimale de l’État dans la société. Si son rival John Alexander Macdonald sera pour toujours associé au chemin de fer transcanadien et à la « Politique nationale » de protectionnisme douanier, c’est délibérément qu’Alexander Mackenzie n’initia aucun projet d’envergure. Cependant, sa principale réalisation devait un jour influencer les destinées du pays de façon considérable : la Cour suprême du Canada, qui devint le dernier tribunal d’appel en 1949, fut créée sous sa gouverne.
Arthur Meighen est le seul Manitobain à s’être hissé au poste de premier ministre du Canada. Cependant, né dans un hameau se trouvant aujourd’hui dans Perth South, un village à l’est de Stratford, il est plus juste de le décrire comme un Manitobain d’adoption. Il fut brièvement à la tête du gouvernement à deux reprises, d’abord pendant un an et demi en 1920-1921, puis trois mois à peine au cours de l’été 1926. C’est pourtant ce deuxième passage au pouvoir qui retient le plus l’attention des historiens pour « l’affaire King-Byng ». Aux élections d’octobre 1925, les Conservateurs, dirigés par Meighen, remportèrent davantage de sièges que les libéraux de Mackenzie King. Ce dernier, qui avait perdu son siège, parvient néanmoins à s’accrocher au pouvoir grâce à l’appui d’une petite formation, le Parti progressiste. Ce quasi gouvernement de coalition fut ébranlé par un scandale de corruption quelques mois plus tard. Alors que les progressistes étaient sur le point de retirer leur appui aux libéraux, King se précipita chez le gouverneur général, Julian Byng, pour demander la dissolution du Parlement et la tenue d’élections. Cependant, puisque les conservateurs disposaient d’un plus grand nombre de députés que les libéraux, Byng considéra qu’il était naturel que le pouvoir leur échoit et, chose extrêmement inhabituelle pour un gouverneur général, refusa la demande du Premier ministre. Arthur Meighen, redevint chef du gouvernement mais la Chambre des communes retira sa confiance dans la nouvelle administration. Meighen perdit son siège lors des élections qui suivirent alors que les libéraux de Mackenzie King furent reportés au pouvoir…
Un autre premier ministre du Canada, dont les plus vieux se souviendront, naquit dans la modeste communauté de Neustadt, dans le comté de Grey, mais c’est bien plus loin à l’ouest qu’il devait connaître la renommée. John Diefenbaker fut député conservateur en Saskatchewan pendant 39 ans et gouverna le pays de 1957 à 1963. Il est souvent associé à ce qui est largement considéré comme sa plus grande erreur, soit l’annulation du projet « Avro », qui aurait pu faire du Canada un leader dans le domaine de l’aéronautique. Cependant, l’héritage de Diefenbaker est beaucoup plus contrasté et, ayant été à la tête du gouvernement alors que la société traversait une époque de mutation profonde, son passage au pouvoir a donné lieu à toutes sortes d’analyses. Des comparaisons non sans fondement ont ainsi été faites entre ses politiques et celles de Pierre Elliott Trudeau. En effet, la première charte des droits et libertés du Canada ne date pas de 1982 mais de 1960. Au plan économique, si Trudeau essaya dans les années 1970 d’accroître le commerce avec l’Europe pour diminuer la dépendance du pays au marché américain, Diefenbaker avait quant à lui tenté la même chose mais 15 ans plus tôt et en focalisant sur la Grande-Bretagne. Quant à la question de l’unité nationale, si elle a été au cœur de la vie de Trudeau, elle n’a pas non plus occupé une place de second plan dans la pensée politique de Diefenbaker, qui se souciait de créer une identité canadienne partagée par tous et débarrassée de ce qu’il désignait comme le « nationalisme à trait d’union » (Canadien-anglais, Canadien-français, Italo-canadien, Ukraino-canadien, etc.). On peut également créditer John Diefenbaker d’avoir officiellement accordé le droit de vote aux Amérindiens et, chose surprenante pour un orangiste franc-maçon, d’avoir recommandé la nomination du premier francophone au poste de gouverneur général, Georges Vanier.
Photo : John Diefenbaker