Le juge Paul Rouleau, qui préside l’enquête publique sur le recours sans précédent à la Loi sur les mesures d’urgence par le gouvernement libéral fédéral, en février dernier, a souligné le 13 octobre d’entrée de jeu les délais serrés, exhortant tout le monde à travailler de concert pour éclairer la population canadienne.
La Commission sur l’état d’urgence a entamé ce jour-là six semaines d’audiences publiques, au centre-ville d’Ottawa, là où des manifestants du « Convoi de la liberté » avaient perturbé la vie des citoyens l’hiver dernier.
Dans son allocution d’ouverture, le juge de la Cour d’appel de l’Ontario, Paul Rouleau, a indiqué que « lorsque des événements difficiles se produisent et ont un impact sur la vie des Canadiens, la population a le droit de savoir ce qui s’est passé ».
Le gouvernement libéral avait invoqué le 14 février la Loi sur les mesures d’urgence, une première depuis que cette loi a remplacé la Loi sur les mesures de guerre en 1988. Ce recours du gouvernement a temporairement accordé des pouvoirs d’exception à la police et permis aux institutions financières de geler des comptes bancaires de Canadiens.
Les libéraux ont fait valoir à l’époque qu’il était nécessaire de mettre fin aux blocus frontaliers et à l’occupation du centre-ville d’Ottawa par des manifestants opposés à la vaccination obligatoire contre la COVID-19 et les confinements, mais opposés aussi, de façon plus générale, au gouvernement.
L’Association canadienne des libertés civiles, quant à elle, soutenait à l’époque que le gouvernement fédéral n’avait pas atteint les critères prévus par la loi d’exception pour y recourir.
Des acteurs clés du « Convoi »
La Loi sur les mesures d’urgence exige par ailleurs qu’une enquête publique soit tenue par la suite pour examiner les circonstances entourant la décision d’y recourir. Les audiences publiques qui ont débuté jeudi dernier doivent se poursuivre jusqu’au 25 novembre.
Le premier ministre Justin Trudeau, sept ministres fédéraux, des dirigeants de corps policiers et des fonctionnaires de tous les ordres de gouvernements, ainsi que des organisateurs du « Convoi de la liberté », devraient comparaître au cours des prochaines semaines.
Depuis qu’elle a été créée, le 25 avril, la commission a déjà colligé des documents et interrogé des dizaines de personnes, y compris des acteurs clés du « Convoi de la liberté », comme Tamara Lich, Chris Barber, Pat King et James Bauder, qui font tous face à des accusations criminelles pour leurs rôles dans les manifestations. Mme Lich était d’ailleurs présente jeudi dernier dans la section réservée au public.
Le juge Rouleau a par ailleurs rappelé que ces enquêtes publiques visent à tirer des leçons du passé et à formuler des recommandations pour l’avenir : elles ne visent pas à conclure à des responsabilités criminelles, ni déterminer si des individus ont commis un crime.
Les audiences, qui ont lieu dans l’édifice de Bibliothèque et Archives Canada, sont diffusées en direct et les citoyens peuvent partager en ligne leurs points de vue avec la commission.
Le juge Rouleau a admis jeudi que le processus menant au début de l’enquête avait été « difficile », en grande partie en raison des délais serrés. La commission devait d’ailleurs amorcer les audiences publiques le 19 septembre dernier, mais l’ouverture a été retardée, car le juge Rouleau a dû subir une intervention chirurgicale.
Le vérificateur général de la Ville d’Ottawa a également entamé de son côté un examen de la réponse locale aux manifestations, et plusieurs organismes ont intenté des poursuites en Cour fédérale pour contester l’utilisation par le gouvernement de cette Loi sur les mesures d’urgence.
La commission d’enquête est également distincte du comité parlementaire multipartite qui a été créé en mars pour examiner le recours à la loi d’exception par le gouvernement libéral le mois précédent. L’enquête publique et la commission parlementaire, qui poursuit toujours ses travaux, sont requises en vertu de la Loi sur les mesures d’urgence.
Source : La Presse canadienne
Photo : Commission du droit de l’Ontario