Les candidates francophones déléguées par les quatre principaux partis de l’Ontario étaient peut-être dans le même studio et derrière les mêmes lutrins, lorsqu’elles ont croisé le fer le soir du 17 mai, mais ce débat en français n’avait rien à voir avec celui qu’ont offert leurs chefs, la veille.

Au lendemain du débat des chefs en Ontario, chacun des quatre principaux partis politiques a délégué une candidate francophone pour prendre part à un débat en français, organisé par TFO et Radio-Canada.

Aucun des chefs n’a pu prendre part à ce débat puisqu’ils sont tous incapables d’avoir une conversation en français. Ils n’étaient pas absents de la soirée pour autant : chacun d’entre eux a pu enregistrer un message qui a été diffusé au début du débat. Doug Ford est le seul qui n’a pas prononcé plus que deux mots en français durant son allocution.

La ministre sortante des Affaires francophones et des Transports Caroline Mulroney, candidate du Parti progressiste-conservateur (PPC), était un copié-collé du Doug Ford que l’on a vu lors du débat des chefs. Comme son chef, elle a baissé les yeux pour lire ses notes à certains moments durant cet affrontement qui a duré une heure.

Caroline Mulroney a défendu le bilan de son gouvernement en francophonie pendant le débat, notamment en vantant les nombreux projets pilotes de son gouvernement visant à accroître l’immigration francophone.

Elle est la seule qui refuse d’indiquer si elle appuie la création d’une université de Sudbury « par et pour » les francophones; la libérale Amanda Simard, la néo-démocrate France Gélinas et la verte Cara Des Granges sont toutes d’accord avec cette idée.

À l’image de Doug Ford, Caroline Mulroney était calme, posée, et elle ne s’est pas impatientée face aux virulentes et incessantes critiques – beaucoup plus nombreuses que lors du débat des chefs – de ses adversaires.

La plupart des attaques à son endroit ont d’ailleurs été lancées par la libérale Amanda Simard.

Cet affrontement ressemblait beaucoup à un règlement de compte pour celle qui a fait campagne comme progressiste-conservatrice dans le comté de Glengarry-Prescott-Russell, en 2018. À l’époque, Mme Simard n’avait pas participé au débat organisé dans sa circonscription, disant qu’elle avait préféré se concentrer sur le porte-à-porte.

Le suspense en aura finalement valu la chandelle : celle qui a traversé la Chambre pour rejoindre les bancs des libéraux il y a trois ans, après les coupes du gouvernement Ford en francophonie, n’a manqué aucune occasion pour faire part de son mécontentement à l’endroit de Caroline Mulroney.

C’est lorsque la ministre des Affaires francophones a lancé que « le gouvernement de Doug Ford a fait plus que quiconque pour les francophones de l’Ontario » que les feux d’artifice ont le plus fusé.

« Ça, c’est faux, a rétorqué du tac au tac Amanda Simard. Vous êtes une machine à propagande. Franchement. »

La libérale a aussi révélé que lors de la crise linguistique, durant une conversation privée avec Doug Ford, « il ne savait même pas la différence entre le Commissariat aux services en français et le ministère des Affaires francophones ». Rappelons qu’à son arrivée au pouvoir, en 2018, le gouvernement Ford avait annoncé plusieurs coupes en province, y compris le Commissariat aux services en français.

Après l’insistance des Franco-Ontariens lors de manifestations monstres à travers la province, il avait annoncé le retour d’un commissaire aux services en français intégré au bureau de l’Ombudsman de l’Ontario.

Les trois partis d’opposition s’engagent à redonner l’indépendance au commissaire aux services en français s’ils sont élus.

« Le 15 novembre 2018, Doug Ford a envoyé le message que les francophones ne sont pas les bienvenus en Ontario », a lancé la néo-démocrate France Gélinas, qui ne s’est pas laissée marcher sur les pieds non plus, durant ce débat.

Quand Amanda Simard a accusé les progressistes-conservateurs de n’avoir fait aucune inspection dans les foyers de soins de longue durée de l’Ontario en 2020, « en pleine pandémie », Mme Gélinas a rétorqué que « les libéraux n’en faisaient pas beaucoup non plus », durant leurs 15 années au pouvoir.

Tout comme Steven Del Duca, la cheffe néo-démocrate Andrea Horwath, qui a déjà fait part de ses difficultés à apprendre le français auparavant, a prononcé l’entièreté de son message pré-enregistré dans la langue de Molière.

Cette dernière aurait intérêt à remercier sa candidate France Gélinas pour sa performance.

La députée sortante de Nickel Belt, dans le Nord de l’Ontario, a fait bien mieux que sa cheffe pour vulgariser et pour expliquer les détails de la plateforme du NPD.

France Gélinas parlait passionnément de francophonie et de santé – son portefeuille à l’opposition – , et a prouvé qu’elle maîtrise clairement mieux le sujet de l’éducation postsecondaire dans le Nord de l’Ontario que Mme Horwath.

« Pour nous, ce qui s’est passé à la Laurentienne est un désastre », a insisté France Gélinas.

Andrea Horwath a fait piètre figure lors de son débat la veille, si l’on en croit les sondages, et sa performance ne l’a pas aidée à redorer l’image du NPD, déjà chambranlante depuis le début de la campagne.

 

Source : Émilie Pelletier, Iniitiative de journalisme local-Le Droit / La Presse canadienne

 

Photos : capture d’écran /CB – Caroline Mulroney, candidate, PPC