Les derniers jours n’auront pas été de tout repos pour le personnel de l’École secondaire catholique Monseigneur-Bruyère (ESMB) de London. À la suite d’un reportage de Radio-Canada, le directeur Luc Chartrand s’est fait retirer ses fonctions et, depuis le début de cette « affaire » qui a fait jaser dans tout le Sud-Ouest, le mea culpa des uns et les accusations des autres ont continué à faire la manchette.
Rappelons les faits : en 2019, une activité s’était tenue à l’ESMB dans le but de venir en aide à une élève gravement malade. Dans le cadre d’une collecte de fonds, les membres de la communauté scolaire étaient invités à se raser la tête. L’ambiance était bon enfant et, pour plaisanter, le directeur a ramassé l’abondante chevelure d’un élève noir pour se la mettre sur la tête. Il semblerait que la blague ait mis quelques personnes mal à l’aise. Cette anecdote aurait pu tomber dans l’oubli mais, six mois plus tard, à l’occasion de l’Halloween, M. Chartrand s’est présenté à l’école déguisé en joueur de basketball avec, en guise de perruque, les mêmes cheveux qu’il avait gardés en sa possession.
Une vidéo de quelques secondes du premier incident et une photo du deuxième se sont retrouvées sur le web en mai de cette année et le chapitre de London de Black Lives Matter s’est emparé de cette histoire. Il est vrai que des élèves de l’ESMB ont également témoigné de leur inconfort quant au comportement de Luc Chartrand.
Incident isolé? Facétie d’un goût douteux mais sans méchanceté? Certains y voient plutôt l’exemple d’un problème profondément ancré.
Ainsi, le Conseil scolaire catholique (Csc) Providence aurait été interpellé au cours des deux dernières années sans que personne en position d’autorité ne donne suite aux préoccupations de la communauté scolaire. La conseillère municipale Arielle Kayabaga, qui a étudié à l’ESMB, a aussi affirmé publiquement que ce qu’elle décrit comme un climat de racisme à l’école, déjà présent il y a une décennie, l’aurait alors poussé à changer d’établissement pour compléter son parcours au secondaire.
Par voie de communiqué, le conseil s’est défendu. « Nous condamnons fermement ce type de comportement et maintenons une politique de tolérance zéro à l’égard de tout racisme, de toute discrimination ou de toute apparence de ceux-ci », y est-il affirmé, avant que ne soient énumérées les mesures prises cette année par le Csc Providence : « l’embauche récente d’une conseillère en droits de la personne et en équité; une formation sur l’antiracisme et l’antidiscrimination pour les conseillers scolaires et l’administration; la collaboration avec d’autres conseils scolaires de la province en vue d’élaborer un outil de collecte de données sociodémographiques sur les élèves et le personnel afin d’avoir un personnel plus diversifié et représentatif de notre population scolaire; une révision de nos politiques et procédures concernant les pratiques d’embauche qui reflètent notre engagement envers l’équité, la diversité et l’inclusion ».
Le conseil affirme également que cette tourmente entourant M. Chartrand ne demeurera pas sans lendemain : « Malgré ces mesures, cette situation montre clairement que nous avons encore du travail à faire afin d’établir et de promouvoir le type d’environnement d’apprentissage où chacun se sent en sécurité et respecté. Nous prendrons d’autres mesures pour résoudre ce problème à l’échelle de notre Conseil dans les semaines et les mois à venir ».
L’affaire a fait des vagues d’un bout à l’autre du territoire du Csc Providence : « Ce qui s’est produit à l’école secondaire Monseigneur-Bruyère à London a été pour moi un sentiment de choc et de dégoût, indique Jacques Lehani Kagayo, président de la Communauté congolaise de Windsor. C’est quelque chose qui était connue de l’administration scolaire. Je me pose la question à savoir combien y a-t-il de directeurs d’écoles francophones issus de la communauté noire dans le Sud-Ouest? Qu’est-ce qui fait qu’il y a très peu ou peut-être pas d’administrateurs au sein du Conseil qui soit Noir? Je me questionne aussi à savoir pourquoi les étudiants noirs qui reçoivent leur diplôme de la Faculté de l’éducation, ici à Windsor, travaillent encore depuis plusieurs années à faire de la suppléance, tandis que ceux et celles qui ont gradué en même temps qu’eux, mais qui ne sont pas issus de communautés noires, travaillent à plein temps? Le racisme systémique existe depuis longtemps dans le domaine de l’éducation et ce n’est pas le seul secteur où on le retrouve : c’est partout. Et nous devons combattre cela ensemble, tous ensemble. Que montrons-nous à nos enfants? Les sciences et les mathématiques seulement? Comme un philosophe français a dit déjà : « Sciences sans conscience n’est que ruine de l’âme! » Il devra avoir une certaine représentativité issue de nos communautés qui encadre nos enfants. Cela uniquement aidera. Les excuses de M. Chartrand, nous les avons entendues trop souvent déjà. Cela ne suffit plus ».
En effet, le principal intéressé avait réagi par écrit. Dans une lettre envoyée à la presse, il présentait ses excuses pour ce geste qu’il attribue à une erreur de jugement et à propos duquel il confie avoir honte.
Reste à savoir ce qu’il adviendra de Luc Chartrand dont la carrière était jusque-là irréprochable.
PHOTO (crédit: Facebook) – L’École secondaire catholique Monseigneur-Bruyère