Ouvrez le journal, la radio ou la télévision : immanquablement, pour le meilleur et pour le pire, le premier ministre de l’Ontario y fera la manchette pour une raison ou une autre. La fonction, bien que destinée à changer constamment de mains, côtoie immuablement le quotidien des citoyens ordinaires depuis des générations. Les plus âgés, en puisant soigneusement dans leurs souvenirs, pourront se rappeler de nombreux premiers ministres, dont certains fort obscurs pour les plus jeunes. Or, hormis une poignée de centenaires, plus personne ne peut témoigner avoir connu l’époque d’une bonne partie d’entre eux. L’Action s’est penché sur la vie et la carrière des premiers ministres ontariens nés dans la région et ayant dirigé la province de la Confédération jusqu’à la Première Guerre mondiale.
Au XIXe siècle, la scène politique ontarienne a été dominée par les libéraux, dont Edward Blake fut à la tête lors de leur première victoire. Né dans le comté de Middlesex, plus précisément dans le canton d’Adelaide (aujourd’hui Adelaide Metcalfe), Blake fut premier ministre de l’Ontario pendant un bref intervalle, de décembre 1871 à octobre 1872. Il interrompit sa carrière au provincial pour tenter sa chance au fédéral en se faisant élire député de Bruce-South en 1872.
Le passage au pouvoir de son successeur ne peut cependant pas se résumer en quelques mots. Oliver Mowat dirigea l’Ontario d’octobre 1872 à juillet 1896. Pendant ces 24 années, il fut député d’Oxford North (où se trouve entre autres Woodstock). Dès avant l’entrée en vigueur de l’actuelle constitution, en 1867, il s’était illustré auprès des Réformistes (ou « Grits », les ancêtres politiques des libéraux) et fut aussi un des Pères de la Confédération. Il a notamment été le secrétaire de la conférence de Québec, en octobre 1864, une des trois rondes de négociations constitutionnelles qui devait conduire à la formation du Canada que l’on connaît aujourd’hui. Il s’était alors particulièrement occupé à définir les champs de compétences propres aux provinces et au fédéral.
Oliver Mowat fut premier ministre en une époque où l’Ontario, au plan social, politique et économique, entra dans sa maturité. Mowat doit sa bonne fortune politique à l’équilibre qu’il sut maintenir entre les divers clivages de la province, partagée entre ses composantes rurale, urbaine, protestante et catholique. Sa modernisation de l’agriculture, de l’industrie, du système éducatif, de l’exploitation des ressources naturelles et de la législation sociale se sont souvent inscrit dans une perspective de défense du droit des provinces face à Ottawa. C’est également sous sa gouverne que l’Ontario deviendra la province dominante du pays. En 1896, il quitta ses fonctions et s’associa à Wilfrid Laurier. Le
Parti libéral du Canada fit campagne en Ontario avec le slogan « Laurier, Mowat and Victory ». Ne s’étant pas lui-même présenté à l’élection, Mowat fut nommé au Sénat par Laurier qui lui confia également le ministère de la Justice. Un an plus tard, celui qui détient le record de longévité à la tête de l’Ontario en devenait le lieutenant-gouverneur.
Le début du XXe siècle vit l’étoile libérale vaciller dans le ciel politique ontarien. George William Ross, né dans le village de Nairn, aujourd’hui dans la municipalité de North Middlesex, fut le dernier premier ministre de cette succession libérale ininterrompue. Député de Middlesex West, il occupa le poste de chef de gouvernement d’octobre 1899 à février 1905. C’est à son époque que les questions linguistiques et scolaires commencent à agiter les milieux politiques ontariens…
Le premier conservateur né dans la région à occuper le poste de premier ministre fut William Howard Hearst. Il naquit à Arran, dans le comté de Bruce, et fut premier ministre d’octobre 1914 à novembre 1919. C’est cependant dans le nord de la province qu’il fit carrière et son nom, qui sonne sans doute familier pour plusieurs Franco-Ontariens, est porté par une ville de cette région. Cet honneur est loin d’être immérité puisque William Howard Hearst joua un rôle important pour assurer l’annexion du territoire de Keewatin à l’Ontario en 1912, qui augmenta la superficie de la province de 56 %.
L’histoire ne s’arrête pas au tournant des années 1920 et, bien au contraire, prend une dimension nouvelle par les gens qui aujourd’hui encore peuvent témoigner de ce qu’ils ont vu et ce à quoi ils ont participé. Le Sud-Ouest a depuis enrichi la politique provinciale de plusieurs autres premiers ministres qui feront l’objet d’une chronique ultérieure.