Les relations entre pays ne se limitent pas qu’aux rapports entre gouvernements. Il existe de nombreux canaux par lesquels se déploient la coopération et les fructueux échanges dont, notamment, l’enseignement supérieur. C’est dans cette perspective que l’ambassadeur de France, Philippe Zeller, était de passage à l’Université Western Ontario le 11 février dernier accompagné d’une délégation de l’Université Aix-Marseille.
L’économie du savoir ne connaît pas de frontière. À ce titre, elle peut être un objet de compétition entre les États cherchant à attirer chez eux les « cerveaux », c’est-à-dire les travailleurs hautement spécialisés souvent liés au secteur de la recherche et du développement. Mais sans même qu’il ne soit nécessaire de se concurrencer avec férocité, le savoir intelligemment partagé peut aussi être source d’émoluments collectifs. D’où cette volonté d’échanger, de faire connaître, de se montrer dynamique et de s’ouvrir sur le Monde qui semble caractériser un nombre croissant d’établissement postsecondaire et qui n’a pas seulement à voir avec le lucratif recrutement d’étudiants étrangers.
C’est ce qu’a rappelé Philippe Zeller dans son allocution devant des représentants de l’Université Western et de l’Université Aix-Marseille tout en expliquant les raisons de sa présence à London : « L’ambassade de France au Canada a la volonté de promouvoir et de supporter l’implantation, dans les domaines d’excellence, de partenariats stratégiques entre les cercles académiques d’importance de France et du Canada. Ces partenariats couvrent toute la gamme de la coopération académique et scientifique : occasions d’échanges pour les étudiants et les chercheurs poursuivant divers projets, études scientifiques conjointes et programmes de doctorat conjoints. Le plan stratégique d’internationalisation de l’Université Western et son intérêt pour les universités françaises en font un partenaire idéal pour des projets de coopération avec la France en encourageant les occasions d’apprentissage pour les étudiants. »
En effet, l’Université Western entretient depuis quelques années une relation étroite avec le milieu universitaire du sud de la France, dont l’Université Aix-Marseille est maintenant la principale représentante après fusion de ses trois prédécesseurs. Les deux institutions partagent l’ambition de se hisser toujours plus haut en termes de calibre international. Comme la Francophonie et l’influence culturelle anglo-saxonne se retrouvent l’une et l’autre sur tous les continents et dans un nombre considérable de pays, c’est en faisant le grand saut dans la sphère de leur vis-à-vis linguistique que l’une et l’autre espèrent s’ouvrir sur le monde encore davantage.
Dans son discours, M. Zeller a rappelé quelques faits pour illustrer cette bonne entente. Ainsi, pour l’année scolaire 2012-2013, près de 80 étudiants de Western ont fait une partie de leurs études en France tandis qu’un nombre semblable faisaient le chemin inverse, espérant acquérir une expérience différente en Ontario. Dans une perspective plus large, plus de 500 articles scientifiques, réalisés par des chercheurs de Western en collaboration avec des collègues français, ont été publiés de 2008 à 2013. Parmi les membres des directions de faculté de l’Université Western, huit ont reçu leur doctorat d’une université française.
Ce n’était cependant pas que pour évoquer ces quelques faits que l’ambassadeur s’était rendu à London, accompagné d’ailleurs du consul de France à Toronto, Jean-François Casabonne Masonnave. L’Université Western et l’Université Aix-Marseille devait signer un protocole d’entente pour raffermir les liens les unissant. John Capone, vice-président à la recherche à Western, et Sylvie Daviet, vice-présidente aux relations internationales à Aix-Marseille, ont apposé leur signature sur un document visant à actualiser et parfaire une entente générale déjà existante. Celle-ci touche à de vastes champs de la recherche scientifique de même qu’aux échanges d’étudiants.
Fondé en 1878, la vénérable Université Western n’est pas seulement une institution incontournable dans la vie sociale et économique de London mais peut aussi se targuer d’avoir mis sur pied, en 1932, le premier programme d’immersion en français au Canada. Celui-ci existe toujours et la ville d’accueil n’a jamais changé : à chaque année, des étudiants de Western se rendent donc à Trois-Pistoles, au Québec, pour y pratiquer la langue de Molière. L’université compte également un important département de français.
L’Université Aix-Marseille, à contrario, est toute jeune puisque née en 2012 de la fusion de trois universités provençales. Cependant, elle est la plus grande de France de par le nombre d’étudiants, le nombre d’employés et le budget. Son site internet accessible en français et en anglais laisse deviner ses intentions d’élargir son réseau de contacts et son bassin étudiant non seulement au-delà de la France, mais aussi de la Francophonie.
Photo : Philippe Zeller a donné un discours sur la collaboration académique et scientifique entre le Canada et la France.
Philippe Zeller a également profité de son passage à l’Université Western pour décorer le professeur Alain Goldschläger de l’Ordre des Palmes académiques. Cette distinction, dont l’histoire remonte jusqu’à Napoléon Bonaparte, honore des membres exceptionnels de la communauté éducative et des gens ayant contribué activement à la diffusion de la culture française.
M. Goldschläger enseigne à l’Université Western depuis une quarantaine d’années. Son champ d’expertise couvre les romans du XXe siècle, les théories littéraires, la sémiotique, l’analyse des discours, la littérature comparée et la littérature de l’Holocauste. C’est notamment cette dernière qui a fait la renommée de M. Goldschläger, qui s’évertue depuis des années à en perpétuer la mémoire. En effet, au fil des années, Alain Goldschläger a compilé des milliers de témoignages de survivants des camps de concentration nazis. Il participe également aux activités de nombreux organismes destinés à promouvoir les droits de la personne.
« J’aimerais dédier cet insigne à mon grand-père, David Joseph Blume, qui a créé les bibliothèques publiques en Belgique et qui m’a donné l’amour de la littérature et de la langue », a mentionné M. Goldschläger dans son mot de remerciement. Évoquant son expérience auprès de divers organismes, il a rappelé que le français y a une indéniable utilité : « La présence de la langue française dans les lieux internationaux apporte une perspective différente. »
La collaboration multisectorielle grandissante entre l’Université Western et l’Université Aix-Marseille donne corps à cette observation et engendrera une nouvelle génération de professionnels bilingues et attentifs aux différentes cultures.