Le nouveau coronavirus a réussi à ralentir plusieurs efforts à travers le pays pour réduire l’utilisation des contenants à usages unique et la pollution qu’ils provoquent.

Par exemple, à la mi-janvier, le gouvernement de la Colombie-Britannique a annoncé qu’il envisageait une large interdiction des sacs d’épicerie en plastique à usage unique pour mettre fin à une approche fragmentaire, ville par ville.

Mais dix semaines plus tard, l’administratrice en chef de la santé publique de la province, la Dre Bonnie Henry, a émis des directives disant exactement le contraire.

Les magasins doivent dorénavant fournir des sacs et les clients ne peuvent pas utiliser leurs contenants ou sacs réutilisables.

La peur de la contamination

Un peu partout au pays, la peur de la contamination des emballages réutilisables et la nécessité de travailler avec un personnel réduit tout en minimisant les interactions entre les gens incitent plusieurs détaillants à interdire les emballages réutilisables, des sacs aux tasses à café.

Les restaurants ont été contraints d’offrir uniquement des plats pour emporter, ce qui a stimulé la demande des contenants en plastique et en polystyrène.

Et comme l’utilisation des contenants en plastique a augmenté, certaines villes ont été obligées de réduire, voire d’annuler carrément, les programmes de recyclage municipaux.

La semaine dernière, Calgary a complètement suspendu sa collecte de bacs bleus en raison d’une éclosion de COVID-19 dans l’usine de recyclage de la ville.

Edmonton a déclaré qu’environ le quart de ce qu’elle recueille dans les bacs de recyclage va au site d’enfouissement parce qu’elle n’a pas le personnel pour manipuler tous les rebuts.

Dans l’est de l’Ontario, Quinte Waste Solutions, qui assure le recyclage dans neuf municipalités, a suspendu la collecte de la plupart des déchets électroniques et dangereux. En Nouvelle-Écosse, plusieurs dépôts de recyclage ont été fermés.

L’Alberta Energy Regulator a suspendu presque toutes les exigences de surveillance environnementale pour l’industrie énergétique, y compris la surveillance de la pollution des sols, de l’eau et de l’air.

Initialement applicable uniquement à certaines opérations de l’industrie des sables bitumineux, l’organisation albertaine a étendu mercredi l’exemption pour l’ensemble du secteur de l’énergie, affirmant que les activités de surveillance n’étaient pas sécuritaires en temps de pandémie.

Au début d’avril, l’Ontario a adopté un règlement en vertu de sa Charte des droits environnementaux qui suspend l’exigence d’une consultation de 30 jours avec le public sur la mise en place de toute politique touchant l’eau, l’air, le sol ou la faune.

Le gouvernement a cité comme raison la nécessité de pouvoir réagir rapidement à la propagation de la COVID-19.

Le directeur général de l’organisme Environmental Defence, Tim Gray, a déclaré que les gouvernements qui étaient déjà moins enclins à se soucier de l’environnement sont ceux qui abandonnent plus rapidement les politiques de protection.

La COVID-19 cause également des retards dans l’application de mesures de protection promises, ce qui pourrait devenir un problème à plus long terme.

Le ministre fédéral de l’Environnement, Jonathan Wilkinson, a déclaré la semaine dernière que le gouvernement restait attaché à ses plans de lutte aux changements climatiques et d’interdiction des plastiques à usage unique, mais que certaines politiques étaient un peu retardées à cause du virus.

« Ce qui m’inquiète, c’est que ça dure si longtemps que ces mesures seront repoussées au point où elles ne pourront pas être faites avant la prochaine élection », a déclaré Tim Gray.

Il soutient que les supensions des interdictions de sacs en plastique sont provoquées par la panique, et que ces décisions pourraient évoluer à mesure que l’on comprendra davantage les données scientifiques sur le virus.

Cette semaine, les Centers for Disease Control aux États-Unis ont modifié leur formulation concernant la façon dont le virus est transmis pour indiquer qu’il ne se propage pas facilement en touchant des surfaces contaminées.

Le chef adjoint de la santé publique du Canada, le Dr Howard Njoo, a déclaré vendredi que le lavage fréquent et rigoureux des mains et le fait de ne pas se toucher le visage sans se laver les mains empêcheraient la contamination par le virus.

La demande monte en flèche pour le plastique

L’industrie des plastiques a vu une augmentation de la demande pour ses produits depuis le début de la crise, reconnaît Bob Masterson, président de l’Association canadienne de l’industrie de la chimie.

« En raison de la COVID, les gens ont une bien meilleure appréciation des avantages du plastique comme matériau sanitaire pour l’industrie alimentaire », a-t-il déclaré.

Des magasins de partout à travers le pays se sont précipités pour protéger leurs caisses avec des écrans en plastique et équiper leurs employés de gants et de visières en plastique pour le visage.

La demande de désinfectant pour les mains – principalement en bouteille de plastique – a aussi grimpé en flèche.

John Thayer, vice-président principal du fabricant de produits pétrochimiques Nova Chemicals, a déclaré que si certaines commandes ont été annulées en raison de la COVID-19, la demande a toutefois augmenté pour les plastiques employés dans la fabrication d’emballages alimentaires, d’emballages pour les expéditions de colis, pour le commerce électronique et pour les équipements de protection. Tout, allant des masques pour le visage aux blouses chirurgicales en passant par les respirateurs, les tubes à essai et les kits de dépistage de la COVID-19, est fabriqué avec du plastique.

« Le polyéthylène et d’autres polymères aident à prévenir la transmission de la COVID-19 et à traiter ceux qui sont atteints par le virus », soutient John Thayer.

Sarah King, responsable de la campagne Océans et Plastique à Greenpeace Canada, conteste la notion que les plastiques seraient plus sécuritaires pour protéger les consommateurs.

Elle fait valoir que les plastiques méritent leur place dans le monde médical, mais que des études ont montré que le virus vit en réalité plus longtemps sur le plastique que sur tout autre matériau.

SOURCE : Mia Robson, La Presse canadienne