Avec le printemps revient le temps des semences et, de manière générale, des travaux agricoles, du moins ceux visibles dans les champs puisque l’hiver n’est pas et n’a jamais été une longue saison tranquille pour les agriculteurs. C’est en Ontario que se trouve le plus grand nombre de fermes au Canada et 52 % de la valeur de la production provinciale provient de la région du Sud-Ouest. Mais derrière la façade de cette industrie en apparence immuable et au beau fixe se trament des changements constants, dont certains pourraient grandement contribuer à redresser l’économie du sud de la province.

Le simple citoyen mesure parfois mal, en Ontario, la place qu’occupe l’agriculture non seulement dans l’économie mais également dans la dynamique internationale. Ainsi par exemple, le 28 avril se tenait à Toronto le plus grand salon agroalimentaire du Canada. Les fabricants de produits alimentaires de la province ont eu l’occasion de se faire connaître à des entreprises de partout dans le monde. La valeur des exportations alimentaires de l’Ontario ont d’ailleurs connu une croissance soutenue de 2010 à 2014, augmentant de 40 % pour atteindre la somme de 12,5 milliards de dollars. C’est également en avril dernier que le gouvernement ontarien tenait sa première mission commerciale à vocation agroalimentaire en Chine. Jeff Leal, ministre de l’Agriculture, de l’Alimentation et des Affaires rurales, et Michael Chan, ministre des Affaires civiques, de l’Immigration et du Commerce international, ont accompagné une délégation de représentants de ce secteur économique et les ont mis en contact avec des chefs d’entreprises et des responsables gouvernementaux chinois. La simple ferme du Sud-Ouest, comme toute entreprise, est donc partie prenante de l’économie mondialisée.

Mais il appert que l’Ontario exploite son potentiel agricole bien en deçà de ses capacités. Une étude rendue publique en début d’année lève le voile sur le fait que plus de la moitié des produits alimentaires importés en Ontario pourrait être produite ici. Commanditée par trois organismes, soit la Friends of the Greenbelt Foundation, la George Cedric Metcalf Charitable Foundation et la J.W. McConnell Family Foundation, l’étude laisse voir que le Sud-Ouest serait la région qui bénéficierait le plus d’une vision renouvelée de l’agriculture et d’un plan visant à produire localement. Il s’y trouve déjà 100 000 emplois à temps plein découlant de l’industrie agricole, soit 14 % de la force de travail local, dont 36 000 employés de fermes. L’expertise, la qualité du sol et le climat qui caractérisent la région seraient idéal pour atteindre les lucratifs objectifs que l’étude propose. Par exemple, en réduisant de seulement 10 % les importations des dix fruits et légumes les plus importés et en les remplaçant par des produits locaux, l’Ontario pourrait créer 3400 emplois et augmenter son produit intérieur brut de 250 millions de dollars.

La région du Sud-Ouest a également connu, au cours des dernières années, une montée en flèche de la valeur de ses terres agricoles. Depuis 2010, le prix d’un acre a doublé dans la plupart des comtés. Bien que cela soit préjudiciable à ceux qui souhaitent s’acheter un lopin de terre (il est à toute fin pratique impossible de trouver 100 acres pour moins d’un million de dollars), cette inflation des prix est paradoxalement profitable pour les agriculteurs. Il s’en trouve toujours certains parmi eux qui cherchent à vendre une portion de leur terre tandis que d’autres veulent augmenter la superficie de la leur. Ainsi, l’un fait un coup d’argent, l’autre accroît son capital. De bas taux d’intérêt et des prix records pour les grains ont donné les moyens aux fermiers d’investir non seulement dans leurs terres, mais aussi dans l’achat de nouveaux équipements, dans la construction de nouveaux bâtiments, etc., bref, la conjoncture a fait du secteur agricole un moteur économique insoupçonné dans le Sud-Ouest.

Le secteur agroalimentaire ontarien compte 3000 entreprises et emploie directement des dizaines de milliers de travailleurs. L’agriculture entraîne dans son sillage de nombreuses entreprises qui doivent leur existence aux besoins des fermiers. Il s’agit donc d’une industrie dont le dynamisme est essentiel à la bonne santé économique de la province. Malgré les difficultés qu’ils rencontrent à l’occasion (manque de relève, épidémies sporadiques frappant les cheptels, aléas de la météo, incertitude du marché, etc.), l’avenir semble sourire aux producteurs agricoles du Sud-Ouest. C’est là une perspective dont peuvent se réjouir non seulement les agriculteurs mais également toute la région.

Photo: Une ferme du comté d’Oxford