Le chapitre de London du Congrès des femmes noires conviait la population à assister, le mercredi 17 février, à une conférence de Natasha Henry, auteure, doctorante en histoire à l’Université York et présidente de la Société d’histoire des Noirs de l’Ontario.

Une centaine de personnes se sont rassemblées en ligne pour ce cours d’histoire en accéléré qui se voulait non seulement une introduction au vécu des Noirs au Canada d’hier à aujourd’hui, mais aussi une occasion de raconter le passé du point de vue de ceux qui en ont fait l’expérience.

En effet, comme Mme Henry l’a souligné, il est important de considérer la vie des esclaves au-delà de la seule dimension de leur asservissement, en tenant compte, par exemple, de leur résistance aux traitements qu’ils subissaient.

Cela dit, il n’a pas seulement été question d’esclavagisme dans cette présentation qui, d’ailleurs, a été précédée d’un émouvant montage photographique avec accompagnement musical qui encapsulait l’essence de la soirée.

Personnalités noires d’ici et d’ailleurs, faits historiques d’importance, costumes africains traditionnels, etc., ont défilé sous les yeux du public pendant quelques minutes avant que la conférencière n’entre dans le vif du sujet.

Quatre cents ans d’histoire : ainsi aurait pu s’intituler la présentation dont le premier volet était consacré à Mathieu Da Costa, interprète de Champlain auprès des Mi’kmaq. Bien qu’il y ait quelques Noirs qui aient travaillé comme domestiques en Nouvelle-France et dans les premières années du régime anglais, il faudra attendre la fin du XVIIIe siècle pour que naisse une communauté noire à proprement parler à l’intérieur des frontières canadiennes.

Elles étaient constituées de Noirs émancipés dans la foulée de la Révolution américaine et à qui a été donnée la possibilité d’aller s’établir dans les Maritimes.

Comme Natasha Henry l’a fait remarquer, cet épisode est souvent romancé dans la manière dont il est dépeint au Canada, passant sous silence le sort exécrable réservé à ces Noirs dont plusieurs firent même le choix d’aller s’établir plutôt en Afrique lorsque l’occasion s’est présentée.

Le XIXe siècle a vu l’émergence de communautés noires çà et là au Canada. Le célèbre « chemin de fer clandestin » n’est pas étranger à ce phénomène. Encore là, l’image populaire d’un Canada accueillant et bienveillant masque l’autre côté de la médaille : celle d’une ségrégation larvée qui s’est installée et qui a perduré longtemps.

Dans le Sud-Ouest ontarien, les enfants noirs devaient fréquenter des écoles qui leur étaient réservées et les dispositions légales à cet effet ont existé jusqu’en 1965.

L’éducation aux adultes n’échappait pas à cette volonté de maintenir un cloisonnement social entre les races. Le Wilberforce Institute, qui a ouvert ses portes à Chatham en 1873, était la voie obligée pour les Noirs de la région qui souhaitaient obtenir une formation en enseignement, en droit, en administration des affaires, etc.

Néanmoins, la promotion des droits des Noirs et la sensibilisation à leur histoire ne datent pas d’hier. Mme Henry a ainsi donné en exemple les célébrations entourant, à Windsor, l’Emancipation Day, qui rassemblaient des milliers de participants dans les années 1930, 1940 et 1950. Un événement du genre a aussi existé, dès le XIXe siècle, à London.

Des personnalités ont aussi contribué à ce que les idéaux deviennent réalité. La conférencière s’est notamment attardée au cas de Hugh Burnett, un charpentier résidant à Dresden (Chatham-Kent) qui s’est distingué pour avoir été le fer de lance d’un mouvement de protestation ayant mené le gouvernement ontarien à légiférer, dans les années 1950, contre la discrimination raciale en milieu de travail et dans les commerces.

À la même époque, en Alberta, Violet King Henry devenait la première avocate noire au Canada, ajoutant son nom à celui de bon nombre de Canadiens de descendance africaine à être associé à une « première ».

Ils sont en effet nombreux les Noirs dont le nom sera pour toujours associé au renversement d’une barrière sociale dans des domaines aussi divers que le droit, les affaires, la politique, les arts, etc.

Bref, le public qui a assisté à cette conférence virtuelle a non seulement acquis de nouvelles connaissances sur l’histoire des Noirs en Ontario, mais a également été en mesure de situer cette histoire dans le contexte plus large du parcours des Noirs à l’échelle du globe.

 

PHOTO – Hugh Burnett