Au Département d’études françaises de l’Université Western, la troupe de théâtre L’On Donne réunit enseignants et étudiants autour d’une passion commune : celle de donner vie à des textes brillants par leur pertinence, leur qualité et l’émotion qui s’en dégage. À chaque année, une nouvelle œuvre est présentée au public et c’est ainsi que du 19 au 22 mars dernier, le légendaire Don Quichotte a attiré son lot de curieux.

Au début du XVIIe siècle, l’espagnol Miguel de Cervantès publie un récit qui est considéré comme le premier roman moderne et une des plus grandes œuvres de l’histoire de la littérature : L’ingénieux noble Don Quichotte de la Manche. L’histoire se veut une parodie des romans de chevalerie et se moque des mœurs et conventions sociales de l’époque. Au cours des quatre derniers siècles, le personnage principal et les déboires qui émaillent ses aventures sont entrés de mille façons dans la culture populaire occidentale de sorte que, sans même avoir lu le récit, la plupart des gens en connaissent au moins quelques détails.

Puisqu’ils sont connus, les classiques doivent parfois être revisités, voire revus et corrigés, afin de leur conserver une actualité ou pour leur conférer de nouveaux éléments de surprise pour le public. L’adaptation pour la scène de Don Quichotte qui fut utilisée par les comédiens de l’Université Western est l’œuvre de Jean-Pierre Ronfard, un dramaturge et comédien franco-québécois aujourd’hui décédé. « Il arrive à résumer les grandes lignes du roman. Tout ceux qui ont eu à travailler sur le roman disent que c’est une très bonne adaptation, explique Mario Longtin, metteur en scène et professeur au Département d’études françaises. Jean-Pierre Ronfard a renouvelé certains épisodes, leur a donné une couleur différente, une nouvelle atmosphère. » Son traitement de l’oeuvre conserve cependant le même esprit présent dans l’original.

Pour des raisons autant artistiques que pratiques, la troupe L’On Donne a aussi ajouté son grain de sel à la pièce. « Ce que je fais, c’est de créer des mises en scène où chaque rôle peut être joué par tous les acteurs. Chacun a eu la chance de jouer Don Quichotte et Sancho Panza. Ils pouvaient tous donner leur couleur à ces personnages », fait valoir Mario Longtin. Comme le groupe de comédiens est, la plupart du temps, majoritairement constitué de femmes, cela permet de changer ce qui pourrait être un problème de distribution en une expérience théâtrale. Chacun peut, avec sa physionomie, son accent, ses caractéristiques qui lui sont propres, créer une nouvelle dimension aux personnages. « Quand j’étais plus jeune, j’ai beaucoup aimé les mises en scène de Jean-Pierre Ronfard, poursuit M. Longtin. C’était quelqu’un qui travaillait très près des acteurs. » Le Don Quichotte de la troupe L’On Donne, avec sa mise en valeur des comédiens, se voulait un hommage subtil à l’oeuvre de Ronfard.

C’est donc fidèle à son approche habituelle que les membres de L’On Donne ont abordé le récit de Cervantès, car cette formation théâtrale, outre l’apprentissage qu’elle permet et le plaisir de jouer qu’elle procure, a pour philosophie de composer avec les capacités de tous. « Ce qui me plaît, c’est de permettre le plus possible aux gens de s’essayer au théâtre, explique Mario Longtin. Le spectacle se crée avec les gens qui en font partie. » Patrick Ager, David Heap, Chantal Dawar, Alesandra Gieralt, Odré Lefebvre, Vincent Marzano-Poitras, Émilie Pilon-David, James Porteus, Marie-Simone Raad et James Workman se sont donc partagé la scène sous la direction de Mario Longtin.

La pièce de cette année était la huitième production de la troupe. Le public était au rendez-vous, surtout constitué de francophiles et d’étudiants, dont certains doivent y assister pour des raisons pédagogiques. Peu de francophones cependant, comme le déplore M. Longtin, qui explique ce phénomène par des facteurs d’ordre essentiellement logistiques et socioculturels. Cependant, ce n’est peut-être que partie remise car la troupe L’On Donne entend bien poursuivre son aventure théâtrale encore longtemps.