Ce ne sont pas moins de sept chefs de gouvernement provincial dont la vie, la carrière ou souvent les deux, ont eu le territoire de L’Action pour théâtre. Parmi eux, seuls trois ont exercé le pouvoir assez récemment pour qu’il se trouve toujours des Ontariens pouvant se souvenir d’eux.

Un leader qui devait laisser sa marque dans l’histoire de l’Ontario fut Mitchell Hepburn. Natif du canton de Yarmouth, près de St. Thomas, Hepburn ne s’éloigna pas de ses origines rurales et c’est en représentant les électeurs d’Elgin qu’il fut premier ministre de juillet 1934 à octobre 1942. La carrière politique de Mitchell Hepburn fut assez rocambolesque, conséquence de sa personnalité erratique et des circonstances de l’époque.

En 1925, il se présente comme candidat libéral aux élections fédérales, remporte la victoire à l’arraché dans Elgin West et réussit à se tailler une réputation enviable dans les années qui suivirent au point d’être réélu confortablement en 1930. Le Parti libéral du Canada avait cependant été battu à l’échelle nationale et Hepburn se retrouva dans l’Opposition. Profitant de l’infortune de cette étoile montante, des représentants du Parti libéral de l’Ontario, moribond après une série de défaites, vinrent le solliciter pour le convaincre de diriger la formation provinciale. Mitchell Hepburn ne mit pas beaucoup de temps à se décider et, à 34 ans, devint le plus jeune chef de l’histoire du Parti libéral de l’Ontario. Dès lors, il adopta une ligne politique très à gauche et usa plus que jamais d’une approche populiste et de son style haut en couleur. En 1934, Mitchell Hepburn devenait, à 37 ans, le plus jeune premier ministre de l’histoire de la province.

La crise économique le pousse à assainir les finances publiques mais le fait également succomber à la tentation populiste : il entame ainsi son premier mandat en mettant aux enchères les limousines de fonction du gouvernement et en fermant la résidence du lieutenant-gouverneur. Plus concrètement, il améliora la législation du travail, vint en aide à l’industrie du minerai de fer, établit certaines mesures sociales, fit construire de nombreuses institutions de santé, etc. C’est son gouvernement qui fit du trille l’emblème floral de l’Ontario.

De santé fragile, fêtard et brûlant la chandelle par les deux bouts, Hepburn devint de plus en plus épuisé. Ses prises de position qui divisaient fréquemment son caucus et ses démêlés avec Mackenzie King achevèrent de le pousser à la démission. Il décéda en 1953 à 56 ans.

Plus nombreux seront les lecteurs qui se souviendront de John Robarts, député à London pendant deux décennies et premier ministre de novembre 1961 à mars 1971. Or, peu savent à quel point ce premier ministre conservateur changea la société ontarienne.

Né en Alberta, sa famille déménage à London alors qu’il était adolescent. Il fit ses études à l’Université Western et servit dans la marine pendant la Deuxième Guerre mondiale. Il est élu à l’Assemblée législative en 1951 mais ne fait son entrée au cabinet qu’en 1958. Robarts a eu la chance d’être à la tête de la province en une époque dynamique où l’économie était florissante, ce qui lui donna le champ libre pour mettre de l’avant de nombreuses initiatives qui ont encore aujourd’hui un impact sur le quotidien des Ontariens. C’est sous la gouverne de John Robarts qu’ont été fondées les universités York, Trent, Laurentienne, Lakehead, Brock et Windsor de même que des centaines d’écoles. Le système Go Transit a été lancé alors qu’il était premier ministre. La première centrale nucléaire de la province et le Centre des sciences de l’Ontario ont également été bâtis à l’époque de John Robarts. Pour les francophones, ce furent également des années de grands changements, en particulier au plan éducatif. Le 24 novembre 1967, Robarts mit sur pied le Comité sur les écoles de langue française de l’Ontario dont les travaux mèneront à l’adoption de deux lois jetant les bases du réseau d’écoles secondaires francophones, devenu une réalité en 1969.

Si sa vie publique était un succès, sa vie privée était un désastre. Miné par l’alcool et ses déboires familiaux, diminué par des accidents cérébrovasculaires, John Robarts s’enlève la vie le 18 octobre 1982.

Le dernier en date de cette nomenclature de politiciens locaux est David Peterson, ancien député de London Centre et premier ministre de juin 1985 à octobre 1990. Son ascension au pouvoir ne se fit pas par les voies habituelles. Ce sont les conservateurs qui remportèrent les élections en 1985, mais avec un nombre insuffisant de sièges pour former un gouvernement majoritaire. Libéraux et néo-démocrates s’empressèrent de former une alliance pour arracher le pouvoir à leurs rivaux. Une motion de non-confiance força la démission du gouvernement, mettant un terme à 42 ans de pouvoir conservateur. Cependant, plutôt que de plonger la province dans de nouvelles élections générales, le NPD permit aux libéraux de former le nouveau gouvernement à condition que certaines mesures de gauche soient adoptées. Après deux années de ce régime, de nouvelles élections générales permirent cette fois aux libéraux d’obtenir une majorité. Les francophones doivent à David Peterson la Loi sur les services en français, adoptée à l’unanimité en 1986. Après sa défaite aux élections de 1990, Peterson retourna aux affaires. Il est aujourd’hui président du conseil d’administration des Jeux panaméricains qui se tiendront à Toronto en 2015.

Photo : John Robarts